Le principe d’une gouvernance mondiale a émergé, parallèlement aux grandes négociations internationales, en particulier en matière de commerce et d’environnement (OMC). Cette gouvernance apparaît nécessaire face aux difficultés des Etats à maîtriser les conséquences de la mondialisation de l’économie.
Mais, la gouvernance mondiale du commerce assurée par l’OMC se heurte à différents obstacles, ce qui se traduit notamment par la multiplication des accords régionaux ou bilatéraux.
Les limites à l’efficacité de la gouvernance de l’OMC
Le fonctionnement de l’OMC rencontre plusieurs limites ou obstacles :
Un certain déficit démocratique :
Les décideurs sont les gouvernements des Etats, ils décident donc au niveau de la nation. Il y aurait nécessité d’ajouter à la gouvernance internationale des acteurs de la société civile, partie prenante qui s’estime très importante dans des enjeux mondiaux. C’est leur apparition en marge des réunions qui a fait échouer en 1999 le cycle de Seattle (ou cycle du Millénium) clos dés son ouverture.
La difficulté de faire émerger un consensus à 164 membres
Les décisions sont négociées jusqu’à l’obtention d’un accord à l’unanimité des 164 pays membres car 1 pays = 1 voix. C’est la règle du consensus.
Si cette règle a l’avantage de respecter la souveraineté de chaque nation, y compris des plus petites, elle constitue un puissant frein en cas de désaccords profonds entre les pays (ex : désaccords nord-sud). Elle peut conduire à un blocage des négociations ou à des compromis peu satisfaisants.
Le cycle de Doha est bloqué par l’absence de consensus entre tous les pays membres sur les 20 sujets à l’ordre du jour
En 2001, est lancé un nouveau cycle : le programme de Doha pour le développement.
Il a permis des avancées significatives dans un premier temps. Ainsi, les barrières tarifaires aux échanges ont continué à diminuer (les tarifs douaniers des pays industrialisés, supérieurs à 40 % en 1950, ont été ramenés à moins de 5 % aujourd’hui) tandis que des accords sur les services ont été conclus entre certains membres en 1997 (accord entre 69 gouvernements sur les services de télécommunications, accords sur le commerce en franchise des produits de la technologie de l’information concernant 40 pays, et sur les services financiers entre 70 pays).
Mais le cycle de Doha est maintenant bloqué depuis plusieurs années pour différentes raisons:
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pas de solutions au dossier agricole :
Les USA reprochent à l’UE de protéger son espace économique, L’UE leur reproche la non application du principe de précaution (ex. OGM ; bœuf aux hormones).
Des PMA, aidés par les ONG, émergent sur la scène de l’OMC et exigent la suppression de toute subvention agricole à l’exportation qui détruit leur économie et affame leur population (ex. les 4 Mrds de $ accordés à 25 000 producteurs de coton américains qui font baisser les cours de 30 % du coton au mali).
NB : Des avancées ont cependant eu lieu lors de la conférence interministérielle de Nairobi en décembre 2015 : les pays développés s ‘engagent à renoncer dès à présent aux subventions aux exportations du secteur agricole et les pays en développement à partir de 2018.
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La mobilité des facteurs de production entraîne de nouveaux conflits dans les relations Nord-Sud
Certains pays voudraient la suppression des politiques d’immigration restrictives, d’autres exigent la protection de la propriété intellectuelle.
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Enfin, de grandes divergences opposent les acteurs sur l’ordre des priorités :
Le Sud privilégie la libéralisation agricole et le rééquilibrage des accords au service du développement, le Nord la libéralisation de l’industrie, des services et la mise à jour des règles.
A la suite de l’échec de la conférence de Cancun en 2003 (blocage des négociations), les négociations ont été relancées plusieurs fois. Malgré des avancées dans des domaines particuliers (l’agriculture à Nairobi, la facilitation des échanges à Bali… aucun accord global n’a été conclu à ce jour…
Les conséquences de ce blocage
Les pays du Sud perdent confiance, ils revendiquent de peser davantage dans les négociations, d’autant plus qu’ils sont en forte croissance et donc que leur poids économique s’accroît. Face à cette situation, les Etats multiplient les négociations d’accords bilatéraux et régionaux, en alternative à l’OMC.
Les accords bilatéraux et régionaux peuvent être un frein aux principes du multilatéralisme
Au-delà des limites liées à la gouvernance interne de l’OMC, la multiplication des accords bilatéraux et régionaux pose problème:
Depuis la création de l’OMC en 1995, de nombreux ACR ont été conclus
Un accord commercial régional (ACR) est un accord conclu entre certains pays (généralement proches) afin de faciliter le commerce des biens et services. 267 ACR seraient en vigueur au 01/09/2016. Les quatre principaux ACR sont l’Union Européenne, l’ASEAN (Associations des nations de l’Asie du Sud est), le Mercosur (Marché commun du Sud) et l’ ALENA (Association de libre-échange nord-américain).
Certains considèrent que la multiplication des ACR et la régionalisation des échanges constituent un obstacle aux négociations multilatérales, pour deux raisons principales:
- d’une part, l’expansion des ACR contredit l’objectif d’égalité entre les membres de l’OMC (et notamment avec la clause de la nation la plus favorisée) : les ACR donnent des droit préférentiels aux pays signataires (à l’intérieur de la zone), alors que les pays extérieurs en sont exclus (= entrave au commerce avec les pays membres pour les pays extérieurs) ,
- d’autre part, l’expansion des ACR contredit l’objectif d’équité entre les membres de l’OMC : les quatre principaux ACR concentrent à eux seuls 70 % des échanges mondiaux (échanges intra-zones) et regroupent les pays qui pèsent lourd dans les négociations, ce qui revient à amoindrir le poids des petits pays isolés dans les négociations multilatérales.
Les accords bilatéraux se multiplient :
Ils sont conclus entre pays n’appartenant pas nécessairement à la même zone géographique, et entre pays à des stades de développement économique assez différents. Les États-Unis multiplient ainsi depuis quelques années ces alliances bilatérales (accord avec le Maroc, la Jordanie, l’Australie…). L’Union Européenne s’est elle aussi lancée depuis peu dans ce type d’alliance: traité UE- Mexique, traité UE- Liban, traité UE— Afrique du Sud, accord AELE-Chili… etc. Derniers accords : l’accord avec le Canada (CETA signé en 2014 ratifié en 2016) et celui avec les USA (traité de libre-échange transatlantique ‘ITII) ou TAFTA, toujours en pourparlers pour créer une vaste zone de libre échange avec l’UE) !
Ces accords bilatéraux, eux aussi, contrarient l’objectif d’égalité et d’équité propre au multilatéralisme (le fort imposant souvent au faible son point de vue).
Résumé :
La gouvernance mondiale du commerce par l’OMC se heurte à des obstacles de nature différente : difficulté à faire émerger de nouvelles règles et à étendre le libre-échange à de nouveaux domaines. La recherche du consensus constitue un puissant frein en cas de désaccord profond entre les pays, or les thèmes des négociations portent souvent sur des sujets qui cristallisent les tensions.
Les accords régionaux ou bilatéraux se multiplient, au détriment du multilatéralisme reposant sur un consensus mondial. Ces zones contrarient la régulation par l’OMC d’une part en regroupant des pays qui pèsent plus lourd dans les négociations (et, a fortiori, en amoindrissant encore le pouvoir des « petits » pays isolés) et d’autre part en instaurant, à l’intérieur des zones, des règles qui deviennent autant d’entraves au commerce pour les pays extérieurs.