Les biens publics mondiaux tels que la qualité de l’air, la santé, la connaissance, conduisent à envisager une approche nouvelle de la coopération internationale. Elle se justifie par la défaillance d’un État seul, à produire de tels biens. Aussi, doivent-ils être l’objet d’interventions coordonnées des pouvoirs publics, appuyés parfois par l’action d’ONG. 

 Selon les cas, la gestion de biens publics peut être déléguée à des institutions, à un marché ad-hoc (conçu expressément pour cela) ou dans un protocole. Ces modalités contraignantes ou incitatives affectent les décisions et l’activité économiques. Cependant, la gestion des biens publics se heurte à des conflits d’intérêts. 

Les spécificités d’un bien public mondial

Qu’est-ce qu’un bien public ?

C’est un bien non rival et non exclusif 

Par opposition au bien privé (ou privatif), un bien public présente deux caractéristiques :

  • la non-rivalité : un bien est dit non rival lorsque sa consommation par un agent n’empêche pas un autre agent de le consommer.
  •  la non-exclusivité : un bien est dit non exclusif lorsqu’on ne peut exclure aucun agent de la consommation de ce bien. 

Les biens publics purs vérifient ces deux propriétés simultanément (ex. : éclairage public, pont gratuit, route non encombrée, air non pollué…)

Un bien qui vérifie une seule des deux propriétés est un bien public impur. Il s’agit soit : 

  • d’un bien de club, c’est-à-dire d’un bien non rival (utilisable par plusieurs en même temps) mais exclusif (un droit d’accès peut exclure certains agents) : piscine publique payante, autoroute payante 
  • d’un bien commun, c’est-à-dire d’un bien non exclusif mais rival qui connaît des effets de saturation, d’encombrement (route embouteillée, plage encombrée) ou encore qui lorsqu’il est consommé en grande quantité n’est plus disponible (ressources naturelles finies telles que l’air pur, les poissons des océans). 

Un bien nécessairement produit par l’État (au sens général d’institution publique) 

Par nature, un bien public ne peut pas être produit par le marché. C’est une de ses défaillances. 

En effet, une entreprise privée qui voudrait produire un bien public se trouverait confrontée au problème de non révélation des préférences. Pour produire ce bien, l’entreprise doit estimer le prix de vente : elle doit donc interroger les consommateurs pour qu’ils révèlent la somme qu’ils seraient prêts à payer pour ce bien public. Dès lors, peuvent apparaître des comportements de passager clandestin : chaque agent aurait intérêt à dire que ce bien n’a aucune utilité pour lui et refuser de payer. En adoptant un comportement opportuniste, l’agent profite du comportement des autres agents, il profite des externalités du bien public puisque le bien est non exclusif, sans en subir le coût, sans le financer.

Or ce bien est utile à la collectivité, il crée des externalités positives. La défaillance du marché légitime l’intervention de l’État dans la production de biens publics tels que la défense, la police, la justice, la culture…

Qu’est-ce qu’un bien public mondial ? (un BPM)

C’est un bien public dont les externalités positives touchent tous les pays

Un bien public mondial est un bien public, donc non rival et non exclusif, et qui possède un caractère mondial (ou universel), c’est-à-dire que ses externalités touchent tous les pays. 

Parmi les biens publics mondiaux, on peut citer la stabilité climatique, la biodiversité, les connaissances scientifiques, la paix mondiale, la santé, la non-prolifération nucléaire ou encore la stabilité du système financier international, etc. 

C’est un bien public qui ne peut pas être produit par un seul pays 

Le caractère universel d’un bien public mondial pose une contrainte supplémentaire : des comportements opportunistes de la part des pays légitiment le recours à des institutions internationales pour la production d’un bien public mondial. Certains pays pourraient être tentés de profiter des externalités positives du bien public mondial, sans participer à son financement et se comporter en passagers clandestins. 

Définition : 

Charles KINDLBERGER les définit comme « l’ensemble des biens accessibles à tous les Etats qui n’ont pas nécessairement un intérêt individuel à les produire ». 

Ce sont donc des biens qui concernent tous les pays, à des degrés divers. Pourtant à long terme tous les pays sont affectés et sans qu’aucun, seul, n’ait les moyens de les produire. C’est pourquoi de nouvelles formes de gouvernance doivent pallier les carences et les limites des initiatives privées pour ces biens dont les enjeux dépassent les frontières nationales et les horizons à court terme (ex : la protection de l’air).

biens publics mondiaux gouvernance

La gestion des biens publics mondiaux = leur gouvernance

Qui peut gérer la production d’un bien public mondial ?

Par définition, un bien public mondial ne peut pas être produit par un seul pays. Les États doivent donc se regrouper pour assurer la production des biens publics mondiaux : pour cela, le recours à des institutions supranationales est nécessaire. Toutefois, ce regroupement de pays n’implique pas la création d’un gouvernement mondial (dans le sens d’autorité politique mondiale). La production de biens publics mondiaux repose sur des négociations inter-étatiques respectant la souveraineté de chaque Etat, et non pas sur un mode autoritaire. 

Ainsi, pour conserver une stabilité climatique au niveau mondial, les États se sont concertés et ont défini des objectifs à atteindre dans le cadre du protocole de Kyoto, en laissant à chaque État le droit d’y adhérer ou non, ainsi que la liberté des moyens pour atteindre les objectifs. L’accord de Paris (COP21 – dec.2016) est construit sur la somme des réductions volontaires que les Etats se disent prêts à réaliser. Ratifié en 2017 (par au moins 55 pays représentant au moins 55% des émissions mondiales de GES), il entrera en vigueur en 2020. 

Par ailleurs, il ne faut pas négliger le rôle des acteurs non étatiques dans la production des BPM : ONG (organisations non gouvernementales), associations de citoyens et de consommateurs, parlements ou FLMN pèsent non seulement sur les objectifs mais également sur les modes de gestion des biens publics mondiaux. 

Comment gérer des biens publics mondiaux ? 

Pour gérer un bien public mondial, deux logiques d’action peuvent être mobilisées : on cherche à modifier le comportement des agents soit par le biais de l’incitation, soit par le biais de la contrainte.

Des instruments économiques incitatifs

Pour assurer la gestion des biens publics mondiaux, on peut utiliser des instruments économiques, ce qui revient  aux agents économiques pour qu’ils modifient leur comportement et préservent ainsi le bien public mondial. 

Ex : 2 types d’instruments économiques sont utilisés pour préserver la stabilité climatique qui est un BPM 

  • Le contrôle par les volumes avec la création de droits de propriété qui feront l’objet de transactions sur un marché, dite « solution coasienne » : 

Dans un premier temps, les pouvoirs publics attribuent des droits à émettre du GES, c’est-à-dire que chaque agent a le droit d’émettre une certaine quantité de pollution. Ensuite, les pouvoirs publics proposent aux agents un lieu d’échange des droits à polluer, où se détermine le prix de l’activité polluante. C’est le cas du protocole de Kyoto, qui a ainsi permis la mise en place du marché du carbone. L’action des pouvoirs publics consiste alors à fixer une quantité maximale d’émissions polluantes : plus ce quota sera faible, plus le prix de l’activité polluante sera élevé, plus les agents seront incités à arrêter les activités polluantes.

  •  Le contrôle par les prix avec la mise en place d’une taxe (fiscalité), dite « solution pigouvienne » :

Ce procédé consiste à augmenter directement le coût de l’activité polluante pour encourager les agents à polluer moins ou à changer d’activité. C’était tout l’enjeu du débat sur l’écotaxe en France. 

L’avantage de l’utilisation des instruments économiques est leur efficacité : au lieu d’imposer des contraintes, les instruments économiques jouent sur le système de prix, ce qui entraîne une modification efficace du comportement des agents (on en attend un comportement vertueux). 

Néanmoins, les instruments économiques présentent également des inconvénients : le contrôle par les volumes manque de flexibilité (le marché ne tient pas compte des particularités des agents et tous doivent se conformer au quota) ; quant au contrôle par les prix, il est souvent difficile à mettre en place car les agents sont peu enclins à une nouvelle fiscalité. 

Des instruments réglementaires contraignants 

Pour assurer la gestion des BPM, on peut utiliser des instruments réglementaires, ce qui revient à imposer des contraintes aux agents économiques afin qu’ils modifient leur comportement. 

Ainsi, pour garantir le meilleur niveau de santé à leurs populations, les Etats ont décidé de créer une instance supranationale chargée de réguler la production de ce bien public mondial : l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Concrètement, l’OMS a une fonction normative : elle élabore des règles qui s’imposent à tous les pays (campagnes de vaccination, protocoles de soins…).

Le choix d’avoir recours à une institution se justifie selon le type de bien public mondial concerné : il serait peu opportun de gérer la santé sur un marché. Rappelons néanmoins que les instruments réglementaires sont moins efficaces pour préserver un bien public mondial, car ils ne jouent pas directement sur le système de prix mais supposent l’autodiscipline des pays membres (les instances supranationales chargées de produire les biens publics mondiaux ne disposent généralement pas d’un pouvoir de sanction). 

Cette gestion des BPM nécessite des négociations aboutissant à la création d’instances supranationales, à l’instauration de marchés ad hoc, à la signature de protocoles d’accord transférés dans les réglementations et les pratiques nationales, qui vont modifier l’action des agents économiques par l’incitation et/ou la contrainte. 

La gouvernance mondiale pour assurer la production, la préservation et l’utilisation des BPM porte en particulier sur le partage des responsabilités et le financement des actions. 

Les limites liées à la gestion des biens publics mondiaux

Les problèmes liés à la coordination internationale 

L’échec du Sommet de Copenhague (pour négocier un accord remplaçant le protocole de Kyoto – déc.2009) témoigne des problèmes de coordination de l’action internationale. Les négociations s’enlisent et n’aboutissent pas toujours du fait du grand nombre d’acteurs (Etats et acteurs non étatiques) et de leurs intérêts différents, voire divergents. 

En outre, il ne faut pas nier le rôle de la concurrence inter-étatique dans le cadre du marché mondial des biens et services : tout accord contraignant imposé pour préserver des BPM impactera la compétitivité des pays. La politique environnementale devient ainsi une variable stratégique pour la compétitivité d’un pays, et peut parfois conduire à un certain dumping environnemental. 

Les problèmes liés au financement des biens publics mondiaux 

Au-delà des difficultés de coordination, des problèmes de financement se posent quant à la mise en œuvre concrète des solutions de gestion des BPM. Deux facteurs peuvent être identifiés : 

  •  le problème de la participation au financement : 

Il est évident que tous les pays ont intérêt collectivement à ce que les biens publics mondiaux soient préservés. Néanmoins, des comportements opportunistes peuvent apparaître : certains pays souhaiteraient profiter des avantages de l’action internationale sans en subir le coût. Les Etats font face au dilemme de la répartition de leur budget : toute somme attribuée à la gestion des biens publics mondiaux ne sera pas attribuée à une action d’envergure nationale. Ce problème est amplifié avec le surendettement des pays occidentaux.

  • le problème de la responsabilité historique : 

La question qui se pose est celle de la détermination de la part de chaque pays dans la participation au financement. Les pays développés estiment que ce sont les pays en développement qui doivent fournir le plus d’efforts, car ce sont eux qui polluent le plus actuellement. Au contraire, les pays en développement rétorquent que ce sont les pays développés qui sont responsables de la situation actuelle, de par leur comportement antérieur. 

La gestion des biens publics mondiaux connaît plusieurs limites qui conduisent à s’interroger sur l’opportunité d’une gouvernance mondiale en tant que capacité de concertation, d’action et de contrôle au niveau supranational : si une gouvernance mondiale semble nécessaire pour gérer les biens publics mondiaux, on peut s’interroger sur le choix et l’efficacité des modalités de concertation, d’action et de contrôle.