Les objectifs de la redistribution
Dans de nombreux pays, l’État intervient, à des degrés divers, pour réduire les inégalités économiques et assurer une couverture des risques sociaux, notamment dans une politique de redistribution.
Dans cette fonction là, il est nommé Etat-Providence.
Le fonctionnement spontané du marché aboutit à des inégalités salariales, patrimoniales et fait émerger des risques sociaux : maladie, vieillesse, chômage, exclusion… qui peuvent priver l’individu de revenus. Ces phénomènes sont à l’origine de l’Etat Providence, dont le rôle s’est amplifié à chaque grande crise économique.
L’État providence comprend l’ensemble des mécanismes visant à :
- protéger les citoyens des risques sociaux inhérents à la société industrielle
- à réduire les inégalités par un ensemble de protection sociale.
Il s’appuie principalement sur deux logiques de financement : l’assurance (celui qui a cotisé est assuré de percevoir une indemnité en cas de réalisation du risque) et la solidarité ou assistance (c’est l’ensemble de la collectivité qui couvre le risque, qu’il y ait eu cotisation préalable ou pas).
Les objectifs de la redistribution sont doubles : à la fois économiques et socio politiques.
La redistribution poursuit des objectifs économiques
Rôle de stabilisateur automatique
La redistribution des revenus cherche à jouer un rôle de stabilisateur automatique de la conjoncture économique.
- En période de ralentissement de l’activité économique, la redistribution exerce un effet contra-cyclique :
En période de moindre croissance ou de récession, les revenus des agents ont tendance à se contracter. Les PO (impôts et cotisations sociales), vont être freinés, alors que les revenus de transferts (prestations sociales) s’accroissent (par ex. les indemnités chômage en cas de perte d’emploi, ou les APL). La redistribution permet donc de soutenir l’activité économique à un moment où elle décline. C’est ce qui se passe actuellement.
- Inversement, en période d’expansion, la hausse des revenus conduit à une hausse des PO, ce qui vient freiner les tensions inflationnistes dues à une demande trop élevée.
Rôle de soutien de la demande
En prélevant un impôt sur un ménage à revenu élevé, on ne réduit pas sa consommation, mais seulement son épargne. En attribuant la somme prélevée à un ménage à revenu faible, qui dépense en général la presque-totalité de son revenu, on augmente sa consommation. Au total, la consommation des ménages à haut revenu ne diminue pas (ou très peu) du fait des prélèvements, alors que celle des ménages à bas revenus augmente beaucoup du fait de la redistribution : la consommation globale s’accroît, ce qui représente un soutien de la demande, donc procure des débouchés aux entreprises.
La redistribution poursuit des objectifs sociopolitiques
Garantir une protection contre les risques sociaux grâce à une redistribution HORIZONTALE :
Les risques sociaux sont des événements susceptibles d’intervenir dans la vie de n’importe quel individu, qui occasionnent des pertes de revenus et auxquels l’individu ne peut pas forcément faire face seul. Exemples : maladie, vieillesse, famille nombreuse, maternité…. Il s’agit d’assurer la population contre leurs méfaits en mutualisant certains risques pour réduire l’insécurité sociale. –> Logique d’assurance
La redistribution permettra de :
- fournir un revenu de remplacement en cas de maladie (remboursement des frais médicaux et hospitaliers engagés, versement d’indemnités-maladie), en cas de chômage (versement d’allocation chômage)
- reporter un revenu dans le temps : par ex. versement au retraité d’une pensions de retraite
Cette couverture des risques sociaux passe par une « redistribution horizontale ». Cette redistribution permet d’organiser une solidarité entre les actifs et les retraités, entre les salariés et les chômeurs, entre les bien-portants et les malades, entre les personnes sans enfants et les chargés de famille, entre les personnes jouissant de leur autonomie et les personnes handicapées ou dépendantes. C’est ainsi que fonctionne notre SS (Sécurité Sociale) française. Il ne s’agit pas, comme aux Etats Unis, d’assurances privées dont le versement de primes ou de cotisations varie en fonction des risques individuels qu’ils présentent (âge, état de santé, antécédents familiaux,
Réduire les inégalités grâce à une redistribution VERTICALE
Il apparaît nécessaire, même dans les pays très libéraux, de réduire les inégalités pour des raisons de justice et de cohésion sociale (objectif principal). La distribution des revenus et des patrimoines issus du fonctionnement des marchés (répartition primaire) n’est pas perçue comme équitable et fait naître un sentiment d’injustice.
Cette lutte contre les inégalités passe par une redistribution verticale grâce à la solidarité des plus riches envers les plus pauvres. L’objectif de la redistribution verticale est donc le resserrement de l’éventail des revenus et des patrimoines. L’État met donc en place une redistribution verticale des ressources qui se fait des hauts revenus vers les bas revenus. Pour cela, il va prélever davantage de ressources aux uns pour redistribuer à d’autres, qui possèdent moins de revenus et moins de richesses patrimoniales. –> Logique de solidarité
Les instruments de la politique de redistribution
Pour atteindre ces objectifs, l’Etat décide d’une certaine politique des revenus. La politique de redistribution des revenus consiste à prélever des ressources sur certains agents économiques pour les réaffecter à d’autres.
Elle joue sur le caractère redistributif de certains impôts, sur le versement de prestations sociales et sur la production de services publics.
Pour assurer sa mission de redistribution, l’État dispose de trois instruments : la fiscalité (qui désigne précisément les impôts mais on l’entendra par moments dans un sens plus large, en intégrant les cotisations sociales, ce qui forme les PO), les prestations sociales (RSA. .. ) et la production de biens et de services publics (éducation, santé, sécurité, justice.. .).
Jouer sur le caractère redistributif de certains PO
Présentation des différents PO
Les prélèvements obligatoires (PO) comprennent les impôts (pour l’Etat) et les cotisations sociales (pour la SS). C’est l’ensemble des prélèvements obligatoires qui permet à la puissance publique d’exercer son action de redistribution aussi bien verticale qu’horizontale.
Les impôts (prélèvements fiscaux) désignent les versements obligatoires que font les agents économiques au profit du budget de l’État central et des collectivités territoriales (Communes, Départements, Régions).
On distingue :
- les impôts directs, comme l’impôt sur le revenu (IR), l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe d’habitation, etc.
- et les impôts indirects, comme la TVA ou la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).
- La CSG (contribution sociale généralisée) se distingue des aufres impôts par le fait qu’elle est affectée à l’assurance-maladie.
Les cotisations sociales sont des prélèvements effectués sur les salaires (cotisations payées par les salariés et par les employeurs) et dont le produit est affecté aux dépenses de Sécurité Sociale.
Seuls certains impôts ont un caractère redistributif et permettent de réduire les inégalités:
Un impôt progressif réduit les inégalités. On dit qu’il a un effet redistributif.
- Un impôt progressif est un impôt dont le taux de prélèvement s’accroît avec l’augmentation du revenu. Finalement le prélèvement croît plus vite que le revenu individuel. Par ex., l’IR pour réduire les inégalités de revenus, et l’ISF pour réduire les inégalités de patrimoine.
L’impôt sur le revenu (IR) est un bon instrument pour développer la justice sociale car son taux augmente tranche par tranche au fur et à mesure que le revenu du ménage s’accroît. De plus, en France, l’impôt payé par un ménage est une fonction décroissante de la taille de la famille : le système du quotient familial permet de faire plus supporter la charge de l’impôt aux ménages sans enfants. Ainsi, les inégalités de revenus entre les ménages avec enfants et les ménages sans enfant se réduisent. Cela peut se justifier par le fait que les ménages qui doivent élever des enfants en supportent seuls la charge, alors que ces enfants, une fois éduqués et formés, cotiseront pour le versement des pensions de retraite aux ménages sans enfants.
L’ISF (impôt solidarité sur la fortune) frappe les ménages dont le patrimoine taxable net est supérieur à 1,3 million d’euros au 1.01.2017. (Barème inchangé depuis 2013)
- Les impôts proportionnels sont peu redistributifs : Les impôts sur la consommation (TVA, TIPP) dont le taux reste constant, quelque soit le revenu, n’ont aucun effet réducteur d’inégalités. Bien au contraire, ils apparaissent comme injustes, car ils pénalisent davantage les ménages à bas revenus qui consacrent une part plus importante de leur revenu à la consommation.
Verser des prestations sociales pour assurer une protection sociale
La protection sociale fonctionne selon 2 logiques : logique d’assistance. d’assurance
La logique d’assistance ou de solidarité conforme au modèle social béveridgien (de BEVERIDGE, Anglais contemporain de KEYNES) :
Les prestations monétaires (on verse un revenu : ex. bourse d’études, Revenu de Solidarité Active…) ou en nature (on offre un service yatuit, par ex. la CMU) sont versées en référence à un besoin.
Elles ne sont pas contributives : aucune contrepartie n’est exigée du bénéficiaire (aucune cotisation préalable). En revanche, elles sont soumises à des conditions de ressources et de besoin qui justifient l’examen au cas par cas de la situation du demandeur.
Ces prestations sont financées par l’impôt.
La logique d’assurance sociale conforme au modèle social bismarckien (de BISMARCK, homme politique allemand de la fin du XIXème siècle) :
La redistribution se fait entre cotisants et ceux qui sont touchés par le risque assuré : chômage, maladie, vieillesse, invalidité, …
Le financement des transferts est constitué par des cotisations sociales prélevés sur les revenus du travail et versées par les employeurs, les salariés et les fravailleurs indépendants.
En France, ces 2 logiques coexistent.
La logique d’assurance reste très présente, mais le financement fiscal de la redistribution s’accroît ; autrement dit, il y a une fiscalisation des ressources de la protection sociale : la logique d’assistance (solidarité) complète la logique d’assurance. On peut le voir en France au travers de 2 exemples :
- création de la CSG (Contribution sociale généralisée) qui est un impôt prélevé sur différents revenus et non uniquement sur les salaires (revenus d’activité, revenus du patrimoine, pensions de retraites )
- prise en charge par l’Etat central sur son budget de certaines exonérations sociales accordées aux entreprises, pour faire baisser le coût du travail.
les différentes prestations sociales (ou transferts sociaux):
Les prestations sociales désignent toutes les prestations en espèces (revenu de remplacement – ex : indemnités journalières) ou en nature (remboursement des dépenses engagées — ex. frais de médicaments, ou financement direct de services – ex. CMU) que les institutions de protection sociale versent à leurs bénéficiaires, sans rapport direct avec le montant des cotisations versées. Elles sont très importantes et représentent, actuellement en France, environ 1/3 du PIB (> à 30 points de PIB depuis 2009), contre 20% dans la plupart des pays développés. Les trois quarts de ces prestations sont versés par les organismes de Sécurité sociale, le reste par l’UNEDIC (chômage) ou par les autres APU (collectivités territoriales, Etat central).
Les comptes de la protection sociale, publiés annuellement, distinguent six catégories de prestations (montant total en 2014 : 690 Mds d’€) correspondant à autant de risques : (d’après INSEE) :
- le risque Vieillesse-Survie : le plus important, il représente 45.4 % des prestations en 2014, en raison du poids des retraites. Il inclut la prise en charge de la dépendance qui n’est pas reconnu comme un risque à part entière, malgré la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie, instituée par la loi du 20 juillet 2001, et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, créée par la loi du 30 juin 2004
- le risque Santé : inclut la maladie, l’invalidité, les accidents du travail et les maladies professionnelles. En 2014, il représentait 35 % des prestations servies
- le risque Famille maternité, inclut notamment les indemnités journalières, l’allocation pour jeune enfant, les allocations familiales, les aides à la garde d’enfant et l’essentiel des aides au logement. Il représente 7,8 % des prestations en 2014
- risque Emploi : c’est-à-dire l’indemnisation du chômage, les aides à la réadaptation et la réinsertion professionnelle, les préretraites, soit 6,2 % des prestations en 2014
- le risque Exclusion sociale : principalement le revenu de solidarité active (RSA) qui depuis le 1/06/2009, remplace le revenu minimum d’ insertion (RMI).
- risque mal logement (APL)
Assurer la production de services publics
Les services publics sont des services d’intérêt général
Ils recouvrent des activités aussi diverses que :
- Les SIG(services d’intérêt général tels que les dénomme l’UE)
Ils comprennent les services régaliens (défense nationale, police et justice) et les autres services non marchands fournis gratuitement ou presque : éducation, santé, logement social.
- Les SIEG : services à caractère commercial tels que réseaux d’énergie ou de communication. Ils sont définis comme des « activités de service marchand remplissant des missions d’intérêt général et soumises de ce fait par les Etats membres à des obligations spécifiques de service public ». Le marché échouant à les produire d’une manière satisfaisante ou à des prix acceptables, ils doivent par conséquent êtes produits sous le contrôle de la collectivité.
Ils reposent sur 3 principes :
- d’égalité : tous les citoyens pouvoir en bénéficier au même prix (ex. le prix d’un timbre poste)
- de continuité : il ne doit pas y avoir d’interruption du service public (ex. les hôpitaux)
- d’adaptabilité : le service public doit s’adapter aux besoins des usagers.
Les services publics ont une fonction redistributive et contribuent à la réduction des inégalités
Le fait que l’Éducation nationale, la justice, la santé, le logement social soient des services gratuits ou fournis à un prix très inférieur au prix de revient est un moyen d’améliorer le niveau de vie des ménages. Cela permet notamment aux populations modestes d’accéder à des biens ou services individuellement et collectivement essentiels qu’ils ne pourraient obtenir sans une intervention efficace des collectivités publiques. La production de biens et de services publics a incontestablement une finalité redistributive et peut être considérée comme un moyen de lutter contre la pauvreté et les inégalités économiques.