Quelque soit le régime découlant de l’activité professionnelle choisie (fonctionnaires, indépendants…), l’accès à l’activité est encadré par le législateur. Chaque régime confère des droits et assujettit à des obligations. 

Nous avons étudié le régime des travailleurs salariés de droit privé. Nous allons donc étudier dans ce chapitre les deux autres régimes : le régime des fonctionnaires puis celui du travailleur indépendant. 

Le régime des fonctionnaires 

En France, l’Administration emploie plus de cinq millions de personnes. La plupart ont le statut de fonctionnaire titulaire. Leur situation de travail n’est pas régie par le Code du travail ni par les conventions collectives, mais par le statut général des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires). Les emplois de la fonction publique recouvrent de nombreux métiers qui participent à l’exercice de la puissance publique (enseignants, infirmiers, policiers, magistrats…)

Le statut des fonctionnaires: 

La qualification de fonctionnaire 

Est fonctionnaire une personne employée et nommée par une personne publique dans un emploi permanent et titularisée à son poste dans un grade de la hiérarchie administrative. 

Il existe 3 fonctions publiques :

  • d’État (personnels de l’État, y compris les militaires)
  • territoriale (personnels des collectivités territoriales : communes, départements et régions)
  • hospitalière (personnels des hôpitaux publics et de certains établissements d’aide sociale)

Les conditions d’accès à la fonction publique 

L’accès à la fonction publique est subordonné à la réussite à un concours garantissant l’égalité des chances entre les candidats. Ces concours sont répartis en trois catégorises (A/B/C), selon le niveau d’études requis pour se présenter. Après la réussite au concours, la nomination est l’acte qui conditionne l’acquisition du statut de fonctionnaire. 

Pour se présenter au concours, différentes conditions sont requises : 

  • Conditions de nationalité : II faut avoir la nationalité d’un État de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (EEE). Cependant, certains emplois sont réservés aux ressortissants français, comme ceux de la police, des armées ou de la diplomatie. 
  • Conditions d’aptitude physique : l’état de santé du candidat doit lui permettre d’exercer les fonctions pour lesquels il postule. 
  • Il faut aussi être en règle avec l’appel de préparation la défense, jouir de ses droits civiques et ne pas avoir subi de condamnation incompatible avec l’exercice des fonctions, 

NB : À côté des fonctionnaires (titulaires), des agents non titulaires (agents contractuels) peuvent être recrutés par contrat dans des cas limitativement énumérés par le statut pour des emplois non permanents. 

La réglementation statutaire

  • Les conditions d’avancement d’échelon et de grade

Les fonctionnaires appartiennent à des corps (ou cadres d’emploi pour la fonction publique territoriale) dont chacun réunit l’ensemble des fonctionnaires soumis à un même déroulement de carrière (par exemple, le corps des secrétaires d’administration scolaire et universitaire). Dans les corps, répartis en trois catégories selon le niveau de recrutement, les fonctionnaires sont titulaires d’un grade, lui-même divisé en échelons.

Le traitement (rémunération) du fonctionnaire dépend de son grade et de son échelon. 

 Le parcours professionnel des personnels titulaires se déroule selon une logique d’avancement et de promotion qui varie selon les statuts particuliers des corps d’appartenance. 

Une notation annuelle des fonctionnaires par les supérieurs hiérarchiques apprécie leur valeur professionnelle. 

  • La mobilité européenne ou internationale favorisée par un droit à réintégration

La mobilité, droit statutaire des fonctionnaires d’État, contribue à la qualité de la fonction publique et la rend plus attractive pour d’éventuels candidats (possibilité d’augmenter et diversifier les compétences). 

Pour développer la mobilité des fonctionnaires d’État au sein de l’Union européenne ou de I’EEE, un décret du 2 mai 2002 permet leur détachement auprès de l’Administration des États et leur réintégration dans l’Administration d’accueil. Réciproquement, le texte permet d’accueillir dans la fonction publique d’État des fonctionnaires relevant d’autres États européens, par voie de détachement mais sans possibilité d’intégration. 

Les droits des fonctionnaires: 

Certains droits sont spécifiques au régime du fonctionnaire, en particulier le droit à la protection fonctionnelle. 

  • Le droit à la protection fonctionnelle 

Le fonctionnaire, tout comme l’agent non titulaire, bénéficie, dans l’exercice de ses fonctions, d’une protection par l’Administration dont il relève, contre les menaces, attaques, injures ou outrages dont il peut être victime à l’occasion de ses fonctions. 

  • Le droit à une carrière 

Le fonctionnaire est titularisé dans un corps de l’administration où il fait carrière avec une certaine garantie de l’emploi. Il peut cependant être révoqué (sanction la plus importante en cas de faute). 

Par ailleurs, le fonctionnaire bénéficie des mêmes droits que le salarié de droit privé : droit à être rémunéré, droit syndical, droit à la formation…

  • Le droit à rémunération après service fait 

Les fonctionnaires ont droit, en contrepartie de leur travail, à une rémunération qualifiée de « traitement » (déterminée par son appartenance à un corps, selon le grade et l’échelon, auxquels est associé un indice brut) et accompagnée d’éventuelles primes.  

  • liberté d’opinion 

Comme pour les salariés, aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, religieuses, de leur origine, de leur âge etc. 

  • Le droit syndical 

Les fonctionnaires peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. 

  • Le droit de grève 

Le droit de grève des fonctionnaires est un principe consacré par la loi. Cependant, il fait l’objet d’une réglementation très stricte, notamment au sein de certaines administrations centrales.  

  • Le droit à la formation permanente 

La loi de modernisation de la fonction publique du 3 février 2007 a renforcé le droit à la formation professionnelle en intégrant la notion de formation tout au long de la vie.

Les obligations des fonctionnaires: 

Une déontologie très rigoureuse encadre les agents de la fonction publique qui ont l’obligation de servir l’ intérêt général. 

  • L’obligation de servir l’intérêt général (ou obligation générale de servir) 

Ils doivent consacrer tout leur temps à exécuter les tâches confiées par leur hiérarchie. Ils assurent ainsi la continuité du service public. 

  • L’obligation d’obéissance hiérarchique 

Tout fonctionnaire doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal. Le refus d’obéissance est une faute professionnelle. 

  • L’obligation de réserve 

En tant que représentants de l’ Administration, les fonctionnaires sont tenus à une obligation de neutralité et de réserve. Ils doivent notamment éviter des prises de position de nature à donner une image négative de l’administration (par ex., interdiction de prises de positions publiques mettant gravement en cause l’administration, son fonctionnement et/ou sa hiérarchie). Ce qui limite dans une certaine mesure leur liberté d’ expression. 

  • L’obligation de discrétion et le secret professionnel 

La discrétion professionnelle interdit toute divulgation de faits, informations ou documents, dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Elle est particulièrement forte pour certaines catégories d’agents : les militaires tenus au secret-défense ou les magistrats tenus au secret de l’instruction… 

De plus, le Code pénal impose le secret professionnel (interdiction de révéler ces informations) aux fonctionnaires disposant d’ informations à caractère personnel et secret (santé, situation familiale.. .). La révélation de secrets professionnels en dehors des cas autorisés (cas de maltraitance par ex.) est sanctionnée. 

  • L’interdiction de cumul d’emplois et de rémunérations 

Les fonctionnaires ont l’ obligation de se consacrer aux tâches qui leur sont confiées. Il leur est donc interdit de cumuler des activités publiques et privées si ces dernières sont lucratives. 

La loi prévoit cependant que les fonctionnaires peuvent être autorisés, dans certains cas, et après saisine de la commission de déontologie, à exercer une activité si cette dernière est compatible avec leurs fonctions. Ainsi, les fonctionnaires créateurs ou repreneurs d’entreprise peuvent, pendant une période d’un an maximum renouvelable une fois, cumuler leurs fonctions avec une activité non salariée… 

régime des fonctionnaires et travailleurs indépendants

Le régime des travailleurs indépendants

Qualification de travailleur indépendant 

Le travailleur indépendant (artiste, artisan, commerçant, membre d’une profession libérale) est une personne physique qui exerce une activité intellectuelle, commerciale ou libérale dans le cadre d’un contrat d’entreprise et non dans le cadre d’un contrat de travail. Il travaille pour et à son compte. 

En vertu de la liberté d’entreprendre, il gère et organise librement son activité (sans aucun lien de subordination avec un employeur). Propriétaire de ses instruments de travail, il exerce à son profit une activité professionnelle dont il supporte seul les risques. Sa rémunération dépend donc de son activité (pas de salaire garanti), il s’agit d’honoraires qu’il fixe librement. Il paie directement ses charges à l’Urssaf. 

Les commerçants et les professions libérales 

Le cas des commerçants 

 Est commerçant toute personne physique ou morale qui réalise des actes de commerce de façon répétée pour  pouvoir en vivre, en agissant pour son propre compte et en son nom personnel (se distinguant ainsi du vendeur salarié qui travaille pour le compte de son employeur). NB : L’activité commerciale peut être réalisée par un commerçant individuel ou par une société. 

Le cas des professions libérales 

L’activité libérale peut découler d’ une nomination par l’autorité publique (ex. : notaire) ou relever d’un ordre professionnel (ex. : pharmacien, avocat, expert-comptable.. .). L’ordre établi un code de déontologie et peut être doté d’un pouvoir de sanction. L’activité professionnelle est considérée comme libérale dès lors qu’elle n’est pas assimilée à une activité salariée et qu’elle ne relève pas des secteurs de l’ artisanat, du commerce, de l’ industrie et de l’ agriculture.  

La déclaration d’existence 

Le travailleur indépendant, une fois déterminé le statut juridique et fiscal, doit déclarer son activité. Cette démarche obligatoire s’effectue (avec un dossier unique) auprès du Centre de formalités des entreprises (CFE) compétent. Le CFE permet en effet de remplir l’ensemble des formalités administratives, fiscales et sociales et les transmet ensuite aux différents organismes concernés (caisses de protection sociale, centre des impôts…). Pour les commerçants, le compétent est celui de la Chambre de commerce et d’ industrie ; les professions libérales, il s’agit du CFE de l’Urssaf du lieu d’activité ; et pour les artisans, celui de la Chambre des métiers. 

Cette déclaration d’existence permet également au travailleur indépendant d’obtenir son immatriculation (point de départ de l’ activité économique). 

Les restrictions de l’accès au régime des indépendants 

 Le principe de liberté d’entreprendre ne s’applique pas de façon absolue afin de protéger les individus, les consommateurs ou l’ intérêt général. 

Pour les commerçants

  • Les restrictions liées la personne : les incompatibilités 

Si, en principe, toute personne peut devenir commerçant, les incapables comme les mineurs et certains majeurs (en raison de l’ altération de leurs facultés mentales) ne peuvent pas accéder à ce statut. 

Certaines professions sont également incompatibles avec l’exercice du commerce : fonctionnaires, notaires, huissiers.. 

Certains commerces sont réglementés et nécessitent une autorisation préalable (ex : activité de spectacle) ou un diplôme (ex : pharmacien). 

Les étrangers (hors ressortissants d’un pays de l’ Union européenne) doivent être titulaires d’une carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité commerciale. 

  • Les restrictions liées à l’activité : les interdictions 

Les personnes qui ont été condamnées certaines peines ne peuvent pas exercer de profession commerciale. Il en est ainsi des condamnés pour crime, vol, escroquerie ou abus de confiance. 

Pour les professions libérales 

Des exigences de nationalité, de compétences et de probité s’imposent, selon les cas, aux différentes professions libérales. Le droit a en outre fixé un certain nombre d’incompatibilités professionnelles en liaison, notamment, avec les activités commerciales (par exemple, un médecin ou un dentiste ne peut pas exploiter une officine pharmaceutique) ; de même, les activités commerciales sont interdites aux officiers ministériels (notaires, huissiers) et aux avocats. 

Pour les professions libérales, l’objectif le plus souvent recherché est de protéger leur indépendance qui ne doit pas être guidée par l’esprit de profit étroitement lié à l’activité commerciale. 

Requalification possible de contrat d’entreprise en contrat de travail 

Certains chefs d’entreprise peu scrupuleux utilisent les dispositifs légaux (ex. auto-entrepreneurs) pour déléguer une partie de leur activité à des personnes physiques travailleurs indépendants, alors qu’en réalité existe un lien de subordination entre eux. 

De nombreux arrêts de la Cour de cassation ont conduit à faire requalifier ces contrats d’entreprise en contrat de travail. Les conséquences sont très lourdes pour celui qui est qualifié d’employeur puisqu’il doit verser tous les salaires manquants, se mettre à jour de cotisations sociales,… 

Peu importe donc le nom que l’on donne à un contrat. Ce qui compte c’est son contenu pour le qualifier. L’existence d’un lien de subordination suffit à qualifier un contrat de contrat de travail. Seules les juridictions peuvent requalifier un contrat. 

Conclusion aux chapitres 1. 2 et 3 

Le choix du régime juridique de son activité professionnelle se fait en fonction de :

La nature de l’intérêt poursuivi : 

  • Intérêt légitime de l’entreprise pour le salarié 
  • Intérêt personnel pour le travailleur indépendant 
  • Intérêt général pour le fonctionnaire 

Des critères personnels : 

  • Stabilité de l’emploi 
  • Indépendance 
  • Rémunération 
  • Protection sociale 
  • Risque(s) encourus(s)