La notion de stratégie

La stratégie relève du management stratégique c’est-à-dire résulte de décisions prises par le sommet stratégique (Directeur Général + autres cadres dirigeants). Elle s’élabore sur un horizon à MLT c’est à dire avec une projection sur 3 à 5 ans. 

Définitions de la stratégie  

On peut proposer les définitions suivantes, la 1ère insistant sur la démarche stratégique, la 2ème mettant plus l’accent sur l’entreprise confrontée à la concurrence. 

Pour CHANDLER (fiche auteur : Chandler), décider d’une stratégie c’est « déterminer les objectifs et les buts fondamentaux à LT d’une entreprise, puis choisir les modes d’actions et d’allocation des ressources qui permettront d’atteindre ces objectifs ». 

Pour PORTER (fiche auteur : Porter), définir une stratégie, c’est « rechercher des avantages concurrentiels durables et défendables sur longue période ».

Plus simplement on peut définir la stratégie comme un ensemble de décisions qui engage l’entreprise sur le long terme. 

Stratégie délibérée, Stratégie émergente (MINTZBERG)

Henry MINTZBERG (fiche auteur : Mintzberg), spécialiste canadien en sciences de gestion, distingue la stratégie émergente de la stratégie délibérée.

  • La stratégie délibérée est la stratégie que les dirigeants ont planifiée, anticipée. prévue. Elle est issue d’une démarche rationnelle. Les dirigeants ont décidé, après un diagnostic, comment l’entreprise se positionnera par rapport à la concurrence dans les trois à cinq ans à venir, quels seront ses objectifs, les produits qu’elle offrira et les marchés qu’elle desservira. 
  • La stratégie émergente, au contraire, résulte de choix dictés par les opportunités ou au contraire les contraintes internes et/ou environnementales qui poussent l’entreprise à modifier ses choix initiaux. Par exemple, l’arrivée d’un nouveau concurrent qui oblige à modifier sa stratégie, ou une nouvelle loi, ou encore la démission d’un cadre très performant… La stratégie va alors « émerger » en fonction des événements qui affectent l’activité de l’entreprise. 

La stratégie effectivement réalisée est la plupart du temps un compromis entre les 2 : l’entreprise rencontre des situations inattendues et doit donc s’y adapter, tout en se projetant dans l’avenir (sauf dans les TPE qui peinent à définir une stratégie délibéré). 

La démarche stratégique

La stratégie (du moins la stratégie délibérée) est le fruit d’une démarche cohérente. 

Le modèle LCAG permet de formuler la stratégie

À l’université d’Harvard aux USA LEARNED, CHRISTENSEN, ANDREWS et GUTH ont créé un modèle, connu sous le sigle LCAG (fiche auteur : LCAG), qui reste une référence car il est le premier modèle d’aide à la formulation stratégique. 

Il se compose d’une succession d’étapes, de phases, dont 3 sont essentielles : 

  •  L’analyse diagnostique des forces et des faiblesses de l’entreprise ainsi que celle des opportunités et des menaces de l’environnement. Elle sera réalisée en utilisant la matrice SWOT(Strengths (Forces), Weaknesses (Faiblesses), Opportunities and Threats  (Menaces). 
  • Le choix des axes stratégiques (quelles activités ? quels objectifs ?) de l’entreprise parmi les différentes options possibles ; résultant du diagnostic précédent, des finalités poursuivies, des valeurs des dirigeants et de la culture d’entreprise.
  • Le choix des moyens et l’affectation des ressources nécessaires à la mise en oeuvre de la stratégie.

La phase de diagnostic stratégique grâce à la matrice SWOT

Avant de déterminer sa stratégie, l’entreprise doit réaliser un diagnostic stratégique, qui comprend :

  • un diagnostic interne, axé sur l’identification de ses forces et de ses faiblesses. Ici on se préoccupe de voir l’état des ressources humaines (les +, les -), technologiques (matériel, brevets…), financières… on en déduit que l’entreprise dispose ou non des ressources nécessaires à telle ou telles stratégies. 

 

  •  un diagnostic externe, destiné à cerner les opportunités et les menaces apparaissant dans l’environnement de l’entreprise, c’est-à-dire des éléments extérieurs à l’entreprise comme l’action des concurrents, la demande des consommateurs, la faillite d’un fournisseur… qui vont agir sur la performance de l’entreprise en bien (opportunité) ou en mal (menaces). On en déduit que l’environnement est plutôt menaçant ou plutôt favorable car source d’opportunités. 

analyse des forces et des faiblesses de l'entreprise

  • Intérêt de ce diagnostic stratégique ? Cerner les sources de compétitivité stratégique qui apporteront des avantages concurrentiels durables et défendables à l’entreprise. 

Pour cela, il faut d’abord identifier les FCS (Facteurs-clé de succès) c’est à dire l’ensemble des caractéristiques qu’une entreprise doit maîtriser pour entrer ou se maintenir sur un marché. Ils sont imposés par l’environnement. Par exemple, dans le transport aérien : la fiabilité du système de réservation, la ponctualité, la gestion des correspondances, la sécurité des passagers.  

 Maîtriser les FCS de l’activité ne suffit pas, il faut que l’entreprise s’assure qu’elle dispose de compétences distinctives (source de compétitivité spécifique et donc d’avantage concurrentiel), permettant de faire face à ses concurrents et de prospérer dans son DASS quand l’entreprise détient une ressource ou une compétence unique, difficilement imitable par les concurrents et appréciée des consommateurs, elle peut se distinguer et surpasser la concurrence. Elle a donc alors un avantage concurrentiel. 

La formulation de la stratégie

La stratégie de l’Entreprise doit être formulée en cohérence avec les finalités qu’elle poursuit et le(s) métier(s) qu’elle entend exercer 

  • La stratégie devra être pensée en fonction de la finalité (ou des) poursuivie(s) : financière ou lucrative ; économique ; sociale ; sociétale. 
  • La stratégie devra être pensée en fonction de son ou ses métiers. 

Il y a 2 sens au mot métier. Le plus courant : le métier c’est l’activité de l’entreprise. De façon plus subtile, le métier de l’entreprise c’est son savoir-faire global (compétences industrielles, commerciales, organisationnelles, technologiques) c’est-à-dire ce l’entreprise pense maîtriser et qui offre une réelle valeur ajoutée au client. C’est alors une notion subjective. 

Exemple : Carrefour. Son activité c’est la grande distribution. Quel est son métier ? Elle le définit ainsi : maîtriser les flux de produits et d’information pour apporter au client la plus grande offre de produits au coût le plus bas. Elle situe donc ses compétences distinctives dans la logistique, dans la négociation avec les fournisseurs … 

Eexemple : Michelin : même activité que Dunlop. Mais Michelin se considère comme un pneumaticien ; à la différence de Qunlop qui se définit comme le spécialiste du caoutchouc. Ce dernier a donc une vision plus large de son métier, il fabrique non seulement des pneumatiques, mais aussi des tapis roulants, des balles de tennis, des revêtements de raquettes de ping-pong… 

Ex : La société papetière ARJOMARI a centré son activité sur les papiers spéciaux. Elle en a fait son métier et possède ainsi une compétence distinctive en matière de papier pour billets de banque. 

Les PME n’ont souvent qu’un métier (elles sont spécialisées); les Grandes Entreprises en exercent plusieurs, généralement assurés chacun par des filiales indépendantes ; elles se sont diversifiées. 

Il faut fixer des objectifs stratégiques 

Une fois ses finalités identifiées, l’entreprise doit fixer les objectifs qui lui permettront de les poursuivre. Tout objectif doit être évaluable par un indicateur de performance, et assorti d’un délai précis.

Exemple : pour une finalité financière et économique, l’objectif stratégique peut être de devenir le leader sur le marché et de détenir 30 % du marché dans 5 ans. Les objectifs sont hiérarchisés. 

Les objectifs stratégiques (LT) sont définis par les dirigeants. Ils concernent les orientations importantes de l’entreprise aux niveaux quantitatif (en termes de rentabilité, par exemple) et qualitatif (en termes de formation, de motivation, de climat social, par exemple). Ils sont ensuite déclinés en objectifs tactiques (à moyen terme) pour permettre à chaque service de réaliser les objectifs stratégiques. Enfin, des objectifs opérationnels (à court terme) permettront aux exécutants de réaliser les objectifs tactiques tout en réagissant rapidement aux changements ponctuels de l’environnement. 

Il faut formuler une stratégie globale

Les stratégies globales (corporate strategy) sont déterminées au niveau de l’entreprise dans son ensemble. Il y en a 4, qui vont 2 par 2. 

  • La stratégie de spécialisation ou de diversification : A partir des facteurs clés de succès (FCS) du marché, l’entreprise détermine les domaines d’activité stratégique (DAS) dans lesquels il est souhaitable qu’elle se positionne et se développe. Un seul : spécialisation, plusieurs : diversification. 
  • La stratégie d’intégration ou d’externalisation : A partir de l’étude de sa chaîne de valeur (voir cours ultérieurs), l’entreprise décide de tout faire (intégration) ou de faire faire (externalisation). 

Il faut formuler autant de stratégie(s) de domaine qu’il y a de DAS

  •  Qu’est-ce qu’un DAS ? 

 Un DAS (domaine d’activité stratégique) est un ensemble d’activités, de produits ou de services homogènes (qui satisfont le même besoin); fondé sur les mêmes compétences technologiques, ayant sa propre cible (mêmes clients), les mêmes concurrents et pour lequel il est possible d’élaborer une stratégie propre. 

Chez Disney, on peut distinguer plusieurs DAS : les parcs d’attraction, la production de films (d’animation ou non), le marchandising (bandes dessinées, jouets, t-shirts, montres et gadgets divers). Ce sont des activités qui ont chacune leurs propres produits, des concurrents propres, visent des clientèles particulières, et donc qui nécessitent, pour chacun d’entre eux, l’élaboration d’une stratégie particulière. 

  • L’entreprise découpe son activité en DAS grâce à la segmentation stratégique

La segmentation stratégique est la démarche qui consiste à repérer les différents segments stratégiques qui vont devenir des DAS. 

Chaque segment stratégique correspond à un « couple produits-marché » ainsi que le définit ANSOFF. 

Attention à ne pas confondre : la segmentation stratégique avec la segmentation marketing :

–> segmentation stratégique :

Au sein de l’ensemble des activités de l’entreprise, on repère les différents couples produits-marchés : exemple chez Danone, on distinguera produits laitiers, eaux minérales et la nutrition médicale/infantile.

Il permet de découper l’entreprise en activité homogène afin de définir une stratégie propre à chaque domaine d’activité (DAS). 

–> segmentation marketing

Au sein d’une activité, on segmente la clientèle en groupes de personnes ayant un comportement homogène à l’égard d’un produit (eau minérale plate, gazeuse, etc.).

Il permet de repérer, au sein de ces segments homogènes de clientèle, la ou les cibles de l’entreprise permet d’adapter les produits et actions commerciales à chaque segment de marché (consommateurs ciblés).

Exemple de segmentation stratégique versus segmentation marketing: 

En tant que constructeur informatique, LENOVO fabrique différents produits qui vont correspondre à des segments stratégiques différents : ordinateurs portables ou ordinateurs fixes, serveurs informatiques, téléphones portables, etc. A chacun de ces produits correspond donc une business unit de Lenovo avec une organisation et une stratégie spécifique. La segmentation stratégique de Lenovo va donc suivre ce découpage organisationnel. 

Reprenons I ‘exemple de LENOVO : le critère de la technologie permet de différencier les ordinateurs portables des ordinateurs fixes du fait d’investissements différents et de mise en oeuvre d’un savoir-faire spécifique. Le critère du type de besoin satisfait lui permettrait de distinguer les ordinateurs des téléphones portables ou des serveurs. 

En revanche, tous les modèles d’ordinateurs portables que Lenovo choisit de produire répondent à une segmentation marketing beaucoup plus fine : chaque gamme correspond à une catégorie de consommateurs et à des actions commerciales particulières permettant de les cibler. Ces différences de traitement ont un impact minime sur l’organisation de l’unité: une segmentation marketing n’entraîne pas nécessairement de différences fondamentales en termes de stratégie. 

Dans les entreprises diversifiées (plusieurs activités), chaque segment stratégique nécessite l’adoption d’une stratégie pertinente. Les entreprises multi-activités ont plusieurs DAS. 

Les stratégies de domaine visent à créer ou développer un avantage concurrentiel. Selon PORTER, il peut être fondé sur la domination par les coûts (mon offre est moins coûteuse que l’offre de référence), ou sur la différenciation (mon offre se distingue clairement de l’offre de référence, par exemple, elle est très supérieure). 

La mise en oeuvre et le contrôle de la stratégie 

Une fois la stratégie arrêtée, la planification permet de déterminer les moyens à utiliser pour la mettre en oeuvre, d’allouer les ressources liées et, si nécessaire, d’adapter la structure et les procédures de fonctionnement. Les plans opérationnels sont le plus souvent établis par fonction (programmes d’actions commerciales, de recrutement, de gestion du personnel, de production, etc.). Ils sont généralement élaborés sur plusieurs années et sont chiffrés car ils entraînent des engagements de dépenses pluriannuelles. Ils fixent les performances à réaliser. 

Exemple : si l’entreprise veut être plus compétitive, l’objectif sera une réduction du coût de production pour augmenter la productivité. Les programmes d’actions mis en place pour y arriver vont toucher les  investissements en biens de production, en formation du personnel, etc. 

Après l’établissement des programmes d’actions, le plan est annualisé sous la forme de budgets, qui sont décomposés par services et déterminent les ressources qui leur seront allouées. Le responsable de chaque service est en charge de l’exécution du budget et de l’atteinte des résultats fixés. 

La démarche de planification stratégique doit être structurée de la manière suivante : 

La mise en place d’indicateurs pour suivre les actions, mesurer et contrôler les résultats, et pour recentrer, si besoin, les orientations initiales est primordiale. En effet, les performances doivent être contrôlées et analysées périodiquement (chaque année, chaque semestre, voire chaque trimestre). 

Les écarts entre les objectifs et les résultats sont étudiés aussi bien en quantité qu’en valeur pour vérifier dans quelle mesure le plan a été réalisé et envisager des actions correctives. 

stratégie et démarche stratégique

Remarque : Il convient de noter le caractère contingent de la démarche stratégique, elle varie et est influencée par différents déterminants, notamment : 

  • les caractéristiques de l’environnement (notamment technologique) 
  • les valeurs des dirigeants, c’est-à-dire leurs préoccupations, leurs centres d’intérêt (la rentabilité de l’entreprise, l’esprit de conquête des marchés…et la personnalité des responsables de l’entreprise.
  • la responsabilité sociale de l’entreprise qui engage les dirigeants face aux salariés, mais aussi face l’environnement, afin de maintenir une cohérence entre « ce qui est fait » et « ce vers quoi les dirigeants veulent tendre ». La prise en compte de la responsabilité sociale de l’entreprise dans le choix de sa permet d’obtenir l’adhésion des salariés et des parties prenantes. 
  • la taille de l’entreprise : PME ou GE, entreprise d’envergure internationale ou simplement locale. 
  • le métier de l’entreprise et le nombre d’activités (DAS) de l’entreprise (mono ou multi-activités) : dans cas d’une entreprise multi-activités, l’étape du diagnostic stratégique doit être étudiée au niveau de chaque domaine d’activité (ce qui suppose d’avoir réalisé une segmentation stratégique) et au niveau global. 

Résumé

La notion de stratégie revêt différentes facettes comme le montre la distinction effectuée entre les notions de stratégie délibérée et de stratégie émergente (H. Mintzberg). 

Les dirigeants fixent des objectifs et prennent des décisions stratégiques en cohérence avec la finalité et le(s) métier(s) de l’entreprise. 

La démarche stratégique comporte différentes étapes. Elle s’appuie généralement sur les étapes mises en évidence par l’école de Harvard (modèle LCAG : Learned, Christensen, Andrews, Guth) qui aboutit à la définition d’objectifs (spécifiques à chaque entreprise et fonction des attentes et intentions des différentes parties prenantes) et de décisions stratégiques. Cette démarche comprend non seulement l’analyse FFOM (Forces, Faiblesses, Oppoftunités, Menaces) mais aussi des étapes en aval de la décision stratégique (mise en œuvre de la stratégie et contrôle de cette stratégie). 

Cette démarche est variable selon la taille de l’entreprise (différente selon qu’il s’agit d’une PME ou d’une grande entreprise), son métier et la multiplicité de ses domaines d’activités stratégiques (s’agit-il d’une entreprise mono ou multi-activités) et les caractéristiques, en particulier technologiques, de son environnement.