Dans ce chapitre nous étudions le régime du salarié. Dans ce cas, l’accès à l’activité professionnelle passe par un recrutement.
Quelque soit le régime découlant de l’activité professionnelle choisie, l’ accès à l’activité est encadré par le législateur. Chaque régime confère des droits et assujettit à des obligations.
Le recrutement
Le recrutement, qu’il soit opéré par l’employeur ou par un intermédiaire choisi pour l’ assister dans ce choix, est l’opération destinée à embaucher une personne sur un poste à pourvoir. Le recrutement est une opération complexe devant intégrer les besoins économiques de l’entreprise en cohérence avec sa politique du personnel en termes de profil et de salaire de la personne recherchée.
Le droit du recrutement se symbolise par la recherche d’un équilibre entre la liberté de gestion nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise et les libertés individuelles des candidats à un emploi. Le législateur a voulu moraliser les méthodes de recrutement (lutter contre certaines pratiques abusives) des entreprises et des cabinets de recrutement. Trois grands principes s’appliquent au recrutement:
Le principe d’interdiction de discrimination lors du recrutement
L’employeur peut recruter le candidat de son choix s’il ne commet pas de discrimination. Il doit garantir une égalité de traitement et respecter les libertés individuelles et les droits fondamentaux des salariés.
L’Article L 1132-1 du Code du travail, énumère les motifs considérés comme discriminatoires. ll est ainsi interdit de tenir compte lors du recrutement de l’origine, du sexe, des mœurs, de l’orientation sexuelle, de l’âge, de la situation de famille ou de la grossesse, des caractéristiques génétiques, de l’appartenance ou non, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, des opinions politiques, des activités syndicales, des convictions religieuses, de l’ apparence physique, du nom de famille, du lieu de résidence, de l’état de santé (sauf inaptitude constatée par le médecin du travail) ou du handicap de la personne.
Toutes discriminations reposant sur un de ces éléments est interdite et sanctionnée civilement et pénalement (quelques chiffres sur la discrimination à l’embauche).
Exceptionnellement, l’employeur peut réserver certains emplois à certaines personnes. Il doit prouver que cette différence est fondée sur des raisons objectives : ex. : sexe précisé pour le recrutement d’un mannequin: femme ou homme.
Les obligations de l’employeur lors de la procédure de recrutement
L’employeur est libre d’embaucher toute personne de son choix en publiant des offres d’emploi par tout moyen de communication accessible au public, dès lors que l’offre est datée, rédigée en français et corresponde à un emploi effectivement disponible. L’offre d’emploi ne doit discriminer les candidats (au niveau du sexe, de l’âge… ) ni contenir d’allégations fausses ou susceptibles d’ induire en erreur sur l’emploi.
Art. L. 1221-6 du Code du travail : Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelle. Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d’informations.
On en déduit que :
- l’employeur peut utiliser différentes méthodes pour sélectionner le candidat (ex. : test, essai professionnel, questionnaire) ; le déroulement de l’entretien d’embauche est également libre.
sous réserve que :
- les questions posées par l’employeur soient pertinentes et en lien direct avec le poste et les aptitudes professionnelles du candidat.
- le candidat doit être expressément informé des méthodes et techniques d’aide au recrutement qui seront utilisées à son égard, avant d’y être soumis.
Le contrat de travail
Les conditions du contrat de travail
Comme tout contrat, le contrat de travail répond aux conditions générales de validité des contrats : cf. art. 1108 du Code civil (consentement libre, éclairé et non vicié, capacité des parties, objet et cause licites).
- Conditions spécifiques à respecter pour qu’un contrat puisse être qualifié de contrat de travail :
La loi ne définit pas le contrat de travail. Il est défini par la jurisprudence: il s’agit d’un contrat par lequel une personne réalise un travail au profit d’autrui contre rémunération et en se plaçant sous sa subordination juridique. Trois critères doivent donc être réunis :
–> un travail effectif pour le compte et au profit d’un employeur.
–> une rémunération
–> un lien de subordination juridique qui se déduit du contrôle par l’employeur de la réalisation de la prestation de travail (ex. : soumission à un horaire, aux contrôles du travail réalisé, respect des consignes, etc.), de la fourniture de la part de l’employeur des moyens et du matériel nécessaires au travail.
Les différentes formes de contrats de travail
Il existe plusieurs types de contrat de travail. L’opération de qualification du contrat consiste à mettre en relief l’élément du contrat permettant de le rattacher à une catégorie juridique et de déterminer le régime juridique qui lui est applicable.
Le contrat à durée indéterminée (CDI) = contrat type
Selon la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 (article de L. travail 1221-2 contrat CT), le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail (contrat dit « de droit commun »).
Sous réserve de la période d’essai, ce contrat est conclu sans limitation de durée. La rupture peut donc intervenir à tout moment (sous réserve du respect d’un préavis) et de manière unilatérale (démission, licenciement) ou négociée. C’est le contrat le plus favorable au salarié. Il lui assure une certaine stabilité de l’emploi.
Le contrat à durée déterminée (CDD) et le contrat de travail temporaire (CTT)
Lorsque les besoins en travailleurs n’apparaissent pas permanents mais provisoires, l’employeur peut se tourner vers des contrats dits précaires (ou atypiques) : les contrats à durée déterminée et les contrats de travail temporaire.
Le CDD est un contrat conclu entre un employeur et un salarié pour un temps fixé à l’avance. Une date, la survenance d’un événement ou l’achèvement d’un travail précis peuvent, par exemple, fixer cette limite.
Le CDD est un contrat écrit qui doit mentionner obligatoirement les tâches pour lesquelles il est conclu, le terme du contrat, la rémunération et la convention collective applicable.
La conclusion d’un CDD (ou d’un CIT) n’est possible que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et dans les cas énumérés par la loi. Ils ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise faute de quoi ils seraient requalifiés en CDI sur demande du salarié.
Les principaux cas de recours sont les suivants :
- remplacement d’un absent (salarié absent pour maladie, formation, etc…. )
- accroissement temporaire d’ activité
- travail par nature temporaire : un emploi saisonnier (ex. dans le tourisme, l’agriculture… ) ou emploi pour lequel il est d’usage de ne pas recourir au CDI (footballeurs professionnels par exemple) = CDD d’ usage
La durée des contrats précaires est limitée, en principe, à 18 mois (renouvellement deux fois, compris dans ce délai). La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi autorise désormais un employeur a renouvelé 2 fois le CDD d’un salarié, contre une seule fois avant le 19 août 2015 (idem pour le CIT).
Pendant la durée du contrat, le salarié a les mêmes droits et avantages que les autres salariés de l’entreprise. Si, à la fin du CDD, le salarié n’est pas embauché définitivement, il a droit à une indemnité (10 % du montant de la rémunération brute perçue pendant la durée du contrat), destinée à compenser la précarité de sa situation. Après le terme prévu, le contrat devient à durée indéterminée.
Lorsqu’il ne souhaite pas recruter lui-même un salarié pour une courte période de travail, le chef d’ entreprise peut s’ adresser à une agence d’ intérim et recourir au contrat de travail temporaire (CTT). Le CTT, ou contrat de mission, est conclu entre une entreprise de travail temporaire (l’agence d’intérim) et un salarié (l’intérimaire). L’ETT embauche et rémunère l’intérimaire en le mettant à la disposition provisoire et sous le contrôle de l’entreprise utilisatrice. Un contrat de travail lie l’intérimaire à l’agence d’ intérim et un contrat de prestation de services lie l’ agence d’ intérim et l’entreprise utilisatrice.
Comme pour le CDD, les cas de recours (Article L1251-6 CT) et la durée sont limités par la loi.
La rémunération ne peut être inférieure à celle que percevrait, dans la même entreprise, un salarié embauché en CDI, de qualification équivalente et occupant les mêmes fonctions. À l’issue de chaque mission, une indemnité de précarité de 10 % est versée au salarié. Si le salarié continue de travailler dans l’entreprise utilisatrice après le terme du contrat, le contrat de travail temporaire est requalifié en CDI.
RQ : d’autres formes de contrats de travail existent, notamment ceux qui permettent d’obtenir une formation : Le contrat d’apprentissage qui permet à des jeunes travailleurs de 16 à 25 ans de suivre une formation théorique et pratique pour obtenir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme de l’enseignement professionnel ou technologique. Le contrat de professionnalisation qui favorise l’insertion sur le marché du travail, en apportant une qualification professionnelle aux bénéficiaires.
Les droits et les obligations des salariés
Sources juridiques des droits et obligations
Les droits et les obligations du salarié résultent d’une part des lois et des règlements figurant dans le code du travail, complétés par le droit négocié (conventions et accords collectifs), d’autre part des dispositions particulières insérées dans son contrat de travail. Par ailleurs, la jurisprudence a dégagé un certain nombre de principes et de règles qui viennent s’ajouter à ces dispositions.
Les droits des salariés
Les droits du salarié sont les corollaires des obligations de l’employeur, qui doit fournir au salarié l’environnement de travail convenu et lui verser le salaire prévu. Le contrat de travail ne peut pas être modifié librement puisqu’ il fait loi entre l’employeur et le salarié.
Le salarié doit percevoir une rémunération. L’employeur peut fixer librement le niveau de rémunération, dans le respect de certaines règles : interdiction de modification unilatérale du salaire; obligation de respecter le SMIC horaire et les conventions collectives, égalité des salaires (principe : à travail égal, salaire égal). Les différences salariales doivent être justifiées par des éléments objectifs d’ordre professionnel, pertinents et matériellement vérifiables.
Le salarié bénéficie d’un socle minimal de droits fondamentaux, il a droit :
- Au respect de sa vie privée
- A ne pas subir de discriminations dans la rémunération, l’avancement, la formation…
- A ne pas subir de harcèlement moral ou sexuel
- A exercer son droit d’expression : il peut s’exprimer sur le contenu et les conditions de travail
- A exercer son droit de grève (La grève se définit comme la cessation collective et concertée du travail en vue d’aboutir au succès des revendications professionnelles. L’exercice du droit de grève ne doit pas faire l’objet d’abus de la part des salariés, sinon la grève devient illicite).
Les obligations des salariés
Le salarié lié par un contrat de travail est placé sous la direction de l’employeur. En conséquence, il doit exécuter de bonne foi le contrat de travail, consciencieusement, conformément aux ordres et aux instructions de l’employeur, en prenant soin du matériel qui lui est confié. Il ne doit pas commettre d’actes pénalement sanctionnables comme par exemple nuire à la réputation de l’entreprise, à son bon fonctionnement, falsifier des documents, voler des fournitures. Il doit réserver son activité à l’entreprise (passer son temps à surfer sur internet) et ne se livrer à aucun acte de concurrence. Il est soumis à une obligation de loyauté et de discrétion.
Il doit aussi respecter le règlement intérieur de l’entreprise. Celui-ci doit être conforme aux lois, règlements et conventions collectives applicables, respecter les droits des personnes ainsi que les libertés individuelles et collectives, et ne doit pas comporter de dispositions discriminatoires fondées sur le sexe, la race ou encore les opinions politiques ou syndicales.
Contrat de travail
Principales obligations de l’employeur:
- fournir le travail convenu et les moyens nécessaires à son exécution
- verser le salaire convenu
- respecter la législation sociale, les conventions et accords collectifs applicables
- respecter les libertés individuelles du salarié : vie privée, liberté d’expression, interdictions des discriminations (égalité homme/femme) et harcèlements
- respecter les libertés collectives du salarié : exercice du droit de grève
Principales obligations des salariés:
- exécuter personnellement le travail convenu
- exécuter le travail avec diligence : fournir une prestation de qualité, prendre soin du matériel
- se conformer aux ordres reçus et respecter le règlement intérieur
- respecter une obligation de loyauté et de discrétion (ne pas nuire à l’entreprise, ne pas révéler les secrets de fabrication…)
Les clauses particulières du contrat de travail
Employeur et salarié sont libres d’insérer dans le contrat de travail de nombreuses clauses, dès lors qu’elles sont licites et ne sont pas contraires à l’ordre public. Ces clauses contractuelles supplémentaires permettent à l’entreprise de s’adapter à l’évolution de son contexte économique. La clause de mobilité et la clause de non-concurrence sont les plus fréquentes ; elles sont valables dès lors qu’elles sont justifiées par l’intérêt légitime de l’entreprise.
La légalité de la clause de mobilité
Définition : Clause du contrat de travail par laquelle un salarié accepte par avance une modification de son lieu de travail.
Conditions de validité :
Pour être licite, la clause de mobilité doit obéir à plusieurs critères cumulatifs élaborés par la jurisprudence :
- être expressément prévue dans le contrat de travail (ou rajoutée au contrat par un avenant) ou figurer dans la convention collective (communiquée au salarié)
- être indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise et être proportionnée au but recherché, compte tenu de l’emploi occupé et du travail demandé au salarié
- accorder un délai raisonnable au salarié entre l’annonce de la mutation et sa mise en oeuvre effective
- préciser les limites géographiques dans lesquelles la mutation du salarié peut intervenir. Par exemple, la clause de mobilité ne doit pas offrir à l’employeur la possibilité de muter le salarié dans « toute zone géographique ». La zone géographique précise ne peut être modifiée unilatéralement par l’employeur. Dans sa mise en œuvre, l’employeur doit tenir compte de la situation familiale et professionnelle du salarié et ne pas agir dans l’ intention de lui nuire (ex. : on ne peut pas imposer au salarié de changer de domicile).
Effets juridiques
Lorsque ces conditions sont respectées, le salarié ne peut pas refuser l’application de la clause. La clause s’impose au salarié, un refus constituerait une faute pouvant entraîner son licenciement. NB : seul un tribunal peut apprécier la validité d’une telle clause.
En l’absence de clause de mobilité, le changement de lieu de travail est possible mais nécessite parfois l’ accord du salarié.
La légalité de la clause de non-concurrence
Définition : La clause de non-concurrence est celle par laquelle le salarié s’interdit, lors de son départ de l’entreprise, d’ exercer certaines activités (concurrence directe ou indirecte) pouvant nuire à son ancien employeur.
Objectifs :
Elle est fréquemment utilisée pour des salariés qui sont en contact direct avec les clients de l’entreprise, permettant ainsi à l’employeur de se protéger contre toute manœuvre de concurrence ou de détournement de clientèle.
Conditions de validité :
La jurisprudence a apporté plusieurs précisions sur les conditions de validité et d’utilisation de cette clause. Il s’agit à la fois de protéger les intérêts légitimes de l’entreprise et aussi de ne pas entraver la liberté de travail du salarié.
Une clause de non-concurrence n’est licite que si elle remplit cumulativement les conditions suivantes :
- inscrite dans le contrat de travail (ou fait l’objet d’un avenant approuvé par le salarié), elle peut aussi être imposée par la convention collective
- indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise
- limitée dans le temps et dans l’espace (faute de quoi aboutirait à priver le salarié de trouver un emploi)
- tient compte des spécificités de l’emploi du salarié : Le poste du salarié doit comporter des spécificités qui constituent un risque important de concurrence pour l’employeur. Ce n’est pas le cas, par exemple, du magasinier ou du chauffeur livreur. Le salarié doit avoir connaissance d’informations spécifiques ou confidentielles dans l’exercice de ses fonctions. En général, la Cour de Cassation s’appuie, pour valider ou refuser une clause de non concurrence, sur le fait que le salarié ait pu acquérir des compétences ou des qualifications spécifiques grâce à l’entreprise.
- elle comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, qui ne doit pas être « dérisoire », car elle vise à indemniser le salarié qui se trouve limité dans ses possibilités d’exercer un autre emploi ; cette indemnité ne peut être versée qu’après la rupture du contrat.
Effets juridiques :
A la rupture du contrat de travail, l’employeur a le choix entre deux options :
- appliquer la clause de non-concurrence à l’ancien salarié et donc lui verser la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence
- renoncer à l’application de la clause : cette renonciation doit obligatoirement être écrite.
Si une telle clause ne remplit pas toutes les conditions énoncées ci-dessus, elle est nulle. Dès lors elle est réputée comme n’ayant jamais existé.
En cas de litige (le tribunal compétent est le Conseil des Prud’hommes), l’employeur devra prouver la concurrence de son ancien salarié. II sera alors en droit de demander des dommages et intérêts au salarié (montant de la contrepartie financière + éventuelles pertes causées par la concurrence illicite du salarié). De son côté, le salarié devra présenter le contrat incluant la dite clause et apporter la preuve qu’aucune contrepartie (ou qu’une contrepartie insignifiante) ne lui a été versée en application de la clause de non concurrence. Il obtiendra des indemnités compensatoires.
Remarque :
Concernant la déontologie à laquelle est soumis le salarié par rapport à son entreprise, on retiendra qu’il ne faut pas confondre l’obligation de loyauté (pendant l’exécution du contrat de travail, cette obligation lui interdit notamment de se livrer à des actes de concurrence) et la clause de non-concurrence qui s’applique après la rupture du contrat de travail.