Les contrats constituent un outil juridique indispensable au développement des relations sociales, et des relations économiques, intéressant les particuliers comme les entreprises. Pour ces dernières, les contrats constituent le premier fondement de leurs engagements et de leurs droits. Tout au long de sa vie, l’entreprise réalise des actes de gestion, d’exploitation, de fabrication, de vente en passant des contrats. Avant de pourvoir envisager l’étude des contrats entre professionnels, il nous faut d’abord aborder le droit commun des contrats.
Le droit des contrats a été totalement réformé par l’ordonnance du 10 février 2016. Elle modifie en profondeur les textes existants dans un souci de modernisation des textes (certains étant issus de la rédaction du code civil de 1804), de mettre un terme à certaines jurisprudences trop fluctuantes (sécurité juridique) et d’harmoniser les législations pour rendre la législation française plus attractive. Elle modifie aussi la codification des articles du code civil.
Ce texte est entré en vigueur le I e octobre 2016.
Les conditions générales de validité des contrats
La notion de contrat
Article 1101 du code civil : le contrat est un accord de volontés entre deux uu plusieurs personnes destinés à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.
- « accord de volonté » : acte juridique qui lie deux ou plusieurs personnes juridiquement.
- « personnes » : parties qui ‘engagent dans le contrat à produire des obligations (un débiteur/un créancier),
- « obligations » : droit personnel qui établit un lien juridique entre deux personnes en vertu duquel le créancier peut exiger l’exécution d’une prestation ou le respect d’une abstention. Ex : l’acheteur est le débiteur du prix mais le vendeur est le débiteur du bien.
- avant cette réforme, on classait les obligations en « obligation de donner » (livrer un bien dans la vente ou la location), « de faire » (réaliser une prestation dans le contrat de travail) ou « de ne pas faire » (non concurrence pour le vendeur d’un fonds de commerce).
- désormais, on classe les contrats selon qu’il crée (ex : lors de la conclusion d*un contrat de travail), modifie (ex : actualiser un contrat de prêt en modifiant le taux d’intérêt), transmette (ex : vendre un bien = transmission de la propriété) ou éteigne des obligations (ex : reconnaître qu’une dette a été payée).
L’obligation est le lien de droit qui lie un à un débiteur.
Les champs couverts par les contrats sont aussi vastes que la vie économique et sociale elle-même. Au travers des contrats, l’entreprise s’approvisionne, investit, emprunte, embauche, loue, sous-traite, vend, etc. Les possibilités de contrat sont innombrables sous réserve de l’ordre public et des bonnes mœurs (Alt. 6 C. Civ.)
Le principe de liberté contractuelle (Article t 112 du code civil)
Chacune des parties est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu du contrat. Il y a cependant de nombreuses exceptions à ce principe, par exemple : obligation de souscrire une assurance RC, contrats types ou contrats d’adhésion.
Les conditions de validité d’un contrat
Les conditions de formation du contrat sont visées à l’article 1 128 du Code civil. Aux termes de celui-ci, 3 conditions cumulatives sont nécessaires pour la validité d’une convention :
- le consentement
- la capacité
- le contenu du contrat
Le consentement
Définition : Le consentement doit être libre et éclairé. Il est formé par la rencontre de l’offr et de l’acceptation.
- l’offre est une déclaration de volonté de conclure une convention : elle peut être tacite (= elle n’est pas « dite » ; ex : produits exposés en vitrine, chauffeur de taxi qui attend près d’une borne) ou expresse (= elle est « expressément » exposée ; ex : envoi d’une publicité avec un bon de commande).
- l’acceptation est l’acte de volonté par lequel le destinataire de l’offre accepte la proposition qui lui est faite. Elle peut être tacite (ex : monter dans un bus) ou expresse (ex : signer un contrat). Cette acceptation réalise l’accord des volontés et forme le contrat.
Le nouvel article 1129 dit qu’il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat.
La validité du consentement : le nouvel article 1130 du code civil reprend les vices classiques du consentement mais rappelle leur caractère déterminant dans la conclusion du contrat.
Non seulement le consentement doit exister mais encore faut-il qu’il ne soit pas vicié : les parties s’engagent de façon libre, en connaissance de cause et sans contrainte. A défaut, la volonté ne génère aucun droit ou obligation.
- l’erreur : L’erreur est une fausse croyance sur l’un des termes du contrat : le cocontractant s’est trompé sur la prestation à réaliser, sur l’autre signataire. Ex : un employeur pense passer un contrat avec une personne titulaire d’un BTS alors que celle-ci n’a pas ce diplôme.
L’erreur de droit ou de fait. de droit= à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
- l’erreur sur la prestation : elle doit porter sur une des qualités essentielles de la prestation due. Si le cocontractant avait su que cette chose ne présentait pas cette qualité, il n’aurait pas donné son consentement (exemple: une personne achète un chandelier en laiton en croyant acheter de l’or).
- l’erreur sur la personne : elle ne peut entraîner une nullité du contrat que si celui-ci reposait sur la personne même du contractant (contrat intuitu personae, ex : contrat de travail). L’erreur doit porter sur les qualités essentielles de la personne (compétences, solvabilité).
Les juges apprécieront si l’erreur était excusable ou non : La Cour de cassation a estimé inexcusable l’erreur commise par un chef d’entreprise lors de l’embauche d’un directeur dont il était facile de savoir qu’il venait de déposer le bilan de la société qu’il dirigeait (1990).
- le dol : Le dol, erreur provoquée par des mensonges, ou en dissimulant à son cocontractant des informations déterminantes. 4 conditions sont requises pour retenir le dol comme cause de nullité. Manœuvres :
–> frauduleuses (falsification, mensonge, par ex.) ou par dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie : ex : se faire passer pour quelqu’un ; faire croire qu’on détient une expérience professionnelle ou un diplôme.
–> émanent du cocontractant lui-même ou d’un tiers de connivence
–> déterminante dans la conclusion du contrat
–> intention de nuire du cocontractant (volonté de tromper la personne).
Ex : mentir sur une qualité (diplôme), falsifier des documents, un garagiste qui masque la réalité d’un compteur.
–> la violence ; menace qui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune, ou celle de ses proches à un mal considérable.
Cette violence, pour être retenue comme cause de nullité, doit être illégitime et déterminante du consentement.
Elle est appréciée par les juges : la Cour de cassation a refusé d’admettre la nullité d’un mariage accepté par l’épouse par crainte de la réaction de ses parents.
La violence est désormais définie par les articles 1140 à 1143, qui consacre légalement la notion de violence économique : « il y a également violence lorsqu ‘une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu ‘il n ‘aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif « .
La violence peut aussi consister à abuser de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, pour en tirer un avantage excessif (nouvel article 1143 du code civil).
La capacité
Pour contracter, il faut avoir la capacité juridique
- la capacité de jouissance (aptitude à être titulaire de droits et obligations)
- la capacité d’exercice (aptitude à exercer ses droits soi-même). Sinon, ce sont les représentants légaux qui agissent (pour les mineurs et les majeurs incapables).
Le contenu du contrat
Définition: ensemble des obligations contractuelles qui ont été librement consenties et explicitées par les parties.
Ex : contrat de vente (livraison de matériel, somme d’argent à payr), contrat de travail (prestation et rémunération) contrat de location (jouissance d’un appartement, rémunération) quoi ? Sur quoi porte le contrat ?
Pour être valable. il doit avoir plusieurs caractères. Il doit :
- exister au moment de la conclusion du contrat (mais peut porter sur une chose future)
- déterminé (certain) ou déterminable (précis : lieu d’une maison que l’on achète)
- possible (on ne peut pas acheter quelque chose qui n’existe pas : une machine à remonter le temps, une étoile)
- licite : respecte l’ordre public (le bon fonctionnement des institutions) et les bonnes mœurs (moral) : on ne peut pas vendre une personne, des organes humains, des stupéfiants.
Un contrat qui ne remplit pas une des conditions de validité peut être annulé par un juge. Dès lors, il ne produit aucun effet juridique. Pour faire annuler un contrat (effacement rétroactif du contrat : faire comme s’il n’avait jamais existé) il faut intenter une « action en nullité ».
La portée des engagements contractuels
La force obligatoire du contrat
Article 1103 et 1104 du code civil :
Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Ils ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Une fois conclu, le contrat a la même force que la loi. Cela signifie que les parties sont obligées de respecter leurs engagements comme s’ils étaient d’origine légale. Cette règle est la suite logique de la liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté ; on accepte sans réserve une contrainte librement consentie. La force obligatoire du contrat garantit la aucun cocontractant ne pourra se soustraire à ses engagements, sauf à en répondre devant les juges.
Conséquences :
- obligation d’exécuter le contrat.
- le contrat est irrévocable (sauf accord mutuel des parties) : il ne peut être résilié unilatéralement sauf cas prévu par la loi (ex, démission ou licenciement dans le CDI) + il ne peut être modifié unilatéralement.
- le contrat doit être exécuté de bonne foi : fait d’agir avec honnêteté et loyauté (respect des attentes légitimes attendues). Par exemple, le devoir de conseil et d’information pour le professionnel en cas de vente.
L’effet relatif du contrat : le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties
Le contrat ne produit d’effets qu’à l’égard des parties qui l’ont conclu (Article 1199 CC : Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties). Il est naturel que les tiers (personnes extérieures au contrat) ne subissent aucune conséquence du contrat. Les contrats ne peuvent ni nuire ni profiter aux Tiers.
Il existe cependant des exceptions :
- contrats collectifs : s’appliquent à des tiers qui n’ont pas initialement conclu le contrat : conventions collectives.
- contrats qui profitent à autrui : cas de l’assurance-vie où l’assuré contracte avec une compagnie d’assurance au profit d’un tiers bénéficiaire (non partie au contrat). On appelle ce mécanisme la stipulation pour autrui. Par ex., le contrat de transport de marchandises : le fournisseur qui fait appel à une entreprise de transport pour livrer les marchandises à son client. Le fournisseur passe contrat avec le transporteur qui s’engage à livrer les marchandises à un tiers bénéficiaire (le client du fournisseur).
La restauration de l’équilibre contractuel
Lorsque les personnes en présence ne sont pas sur un pied d’égalité, l’équilibre contractuel est rompu. L’emprunteur peut être désavantagé face au prêteur, de même que le salarié face à l’employeur, le consommateur face au professionnel, etc. Si l’on ne peut pas nier la nécessité de la force obligatoire du contrat, on doit aussi s’opposer à ce qu’il serve les intérêts du fort au détriment du faible, souvent invité à accepter en bloc les termes d’un contrat pré rédigé (contrat d’adhésion).
L’exigence de la bonne foi ne suffit pas toujours à rétablir l’équilibre contractuel. Le législateur confie au juge la mission d’interpréter les clauses litigieuses. En principe, aucun tribunal ne peut dénaturer la portée des conventions qui seraient claires et sans ambiguïté : le respect du contrat est impératif, pour les juges comme pour les parties. Toutefois, en présence de clauses mal formulées et dont le sens serait douteux, le juge donnera le sens le plus favorable au débiteur de l’obligation, car c’est lui qui, le plus souvent, est présumé avoir accepté les termes du contrat sans les avoir vraiment discutés. Cette règle légale vise à prévenir les comportements abusifs.
De plus, l’Ordonnance du 10 février 2016 consacre deux principes jurisprudentiels en interdisant d’abord toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur, puis, spécifiquement pour les contrats d’adhésion, toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (à l’instar de ce qui existe dans le code de la consommation et le code de commerce). Désormais, de telles clauses seront réputées non écrites (nouveaux articles 1170 et 1171 du code civil). Le juge pourra être amené à apprécier l’équilibre d’un contrat.
La sanction des conditions de formation : les nullités
Problématique : Si une des conditions de validité du contrat manque, l’un des cocontractants va pouvoir faire annuler le contrat rétroactivement (faire comme s’il n’avait jamais existé) en utilisant en justice une « action en nullité ». L’intérêt est aussi d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. C’est donc une forme de sanction.
Deux types de nullité existent et ne s’exercent pas de la même manière.
Pour obtenir en justice la nullité d’un contrat, tout va dépendre du type de nullité :
- nullité relative :Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.
- nullité absolue : Lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.