La croissance reste un objectif prioritaire des pouvoirs publics parce qu’elle accroît les revenus distribués, améliore le niveau de vie et fait reculer la pauvreté. C’est donc une condition indispensable au développement économique (même si ce n’est pas une condition suffisante).
Alors comment créer de la croissance ? Quels en sont les facteurs (I) ? Comment la rendre pérenne (II) ?
Comment expliquer la croissance économique? Etude des facteurs de croissance
Elle correspond à une augmentation à long terme du volume de la production. Quels sont les facteurs qui vont agir sur la croissance économique ?
La croissance économique peut provenir à court terme d’une demande plus forte
Une économie produit pour satisfaire une demande intérieure et/ou un marché extérieur.
La demande intérieure est constituée essentiellement des dépenses de CP (consommation effective des ménages et des administrations) et des dépenses d’investissement des entreprises, des ménages et des administrations publiques (la FBCF). La demande étrangère représente les exportations de biens et services.
La croissance d’un pays (PIB) est donc plus ou moins tirée par la consommation des ménages et des APU, par les investissements et par les X°. Les M° jouent négativement, puisqu’en se substituant à la production nationale, elles ne permettent pas d’augmenter le PIB.
La croissance économique peut provenir de facteurs d’offre
Pour produire une offre, il faut combiner des facteurs de production
On distingue traditionnellement 2 facteurs de production : le travail et le capital. On inclut généralement le facteur nature dans le capital.
Il y a le capital physique (les machines), le capital immatériel (ex. des brevets, des logiciels). Il ne s’agit pas ici de capital financier qui ne sert qu’à acheter le capital, pas à produire.
L’efficacité de la production se mesure par sa productivité. La productivité globale mesure l’efficacité de la combinaison productive:
Productivité globale = Production/Quantité de facteurs de production nécessaire pour produire
A long terme, ce sont les facteurs d’offre qui jouent sur la croissance économique. On appelle facteurs d’offre les facteurs qui conditionnent l’offre de produits.
- La croissance peut provenir d’une augmentation de la quantité de travail fournie par la population. On parle de contribution de facteur travail à la croissance.
- Elle peut provenir d’un accroissement de la quantité de capital fixe(les biens d’équipements) mis à la disposition des travailleurs. On parle de contribution du facteur capital à la croissance.
- La croissance peut provenir d’une utilisation plus efficace de ces facteurs de production que révèle la hausse de la productivité globale des facteurs. Dans ce cas, le progrès technique et les innovations jouent un rôle fondamental.
Explication de la croissance française :
Les travaux sur les facteurs de la croissance française de Dubois, Carré et Malinvaud (Abrégé de la croissance française, Seuil, 1973) ont montré que la croissance française des 30 Glorieuses s’explique pour moitié par le jeu des facteurs de production traditionnels (capital et travail) et pour l’autre moitié par le jeu d’un facteur résiduel qu’on appelle « progrès technique ». Il améliore la productivité globale des facteurs.
La croissance française des 30 glorieuses est à la fois croissance extensive :
- Elle correspond à l’augmentation durable de la production obtenue par augmentation de la quantité de facteurs de production utilisée. Par exemple, un doublement du nombre d’heures travaillées et un doublement du stock de capital se traduira par un doublement de la production.
- Des théoriciens (Solow : voir fiche auteur) ont mis en évidence la nécessité de l’investissement, et donc de l’épargne nécessaire à son financement dans le processus de croissance. Dans ce cas, le capital par tête augmente. Plus on utilise de capital par tête, plus la production par tête augmente. L’accumulation joue donc un rôle dans la croissance et l’enrichissement. L’ investissement est donc préféré à la consommation.
La croissance française des 30 glorieuses est aussi une croissance intensive grâce au PT
On peut reprendre ici la contribution de SCHUMPETER (fiche auteur : Schumpeter) à l’explication de la dynamique du capitalisme.
Schumpeter (1883-1950) est le premier économiste à placer le progrès technique, pour lui l’innovation, au cœur de la dynamique de croissance du système capitaliste.
Schumpeter distingue cinq formes principales d’innovation:
- l’innovation de produit
- l’ innovation de procédé (ou innovation process = nouvelles méthodes de P°)
- la découverte de nouvelles matières premières
- l’ouverture de nouveaux marchés (innovation de débouchés)
- l’innovation dans de nouveaux modes d’organisation des entreprises ou des marchés.
SCHUMPETER analyse le capitalisme comme un mouvement permanent de « destruction-créatrice« . Les innovations apparaissent par grappe (groupées). Elles se diffusent sous l’influence des entrepreneurs car elles sont porteuses de profit.
Apparaissent alors des cycles longs de croissance économique (les cycles Kondratiev). L’introduction des innovations nécessitent la réunion de conditions institutionnelles liées au fonctionnement des marchés des biens et services, du travail et du crédit.
Remarque : Schumpeter n’explique pas l’origine véritable du progrès technique (innovations) autrement que par l’entrepreneur qui le met en Œuvre par ses investissements pour obtenir du profit. Les grandes innovations apparaissent comme « tombées du ciel » ; elles ont un caractère exogène.
Exemple des NTIC : Les nouvelles technologies de l’information et de la communication qui se sont développées dans les années 2000, sont aujourd’hui source de croissance. En effet, de nombreuses innovations de débouchés se sont créées grâce à Internet : création de sites, de services, de modes de communication plus rapides et ainsi d’entreprises spécialisées dans les TIC. Les TIC ont un impact important sur l’emploi et sur la croissance.
Explication de la croissance des NPI :
Les quatre dragons(Corée du Sud ; Hong Kong ; Singapour et Taïwan), au moment de leur décollage, dans les années 70, doivent l’essentiel de leur croissance à une utilisation plus importante de facteur capital et travail (plus d’hommes et plus de machines).
A la différence de ce qu’on a observé dans les pays avancés, la croissance des NPI est d’abord extensive puis progressivement devient intensive.
La croissance chinoise jusqu’à la fin de la dernière décennie reposait essentiellement sur une utilisation plus importante du processus de production (croissance extensive).
- facteur travail: formidable réservoir de main-d’œuvre (+2.6% par an)
- facteur capital: la Chine investit énormément grâce à une épargne très importante et à des IDE étrangers
Cette accumulation s’accompagne d’une amélioration de la productivité du travail : la main d’œuvre est mieux formée, mieux dotée en capital, la croissance pourrait devenir une croissance intensive.
Comment rendre la croissance pérenne: la croissance endogène
La pérennite de la croissance économique suppose une mobilisation de ressources économiques portée par un haut niveau de progrés technique.
Les théories contemporaines mettent en avant le rôle de certains investissements (en formation de capitale physique, humain, en recherche et Développement ou en infrastructures publiques) dans la dynamique et la pérennité de la croissance. L’intervention de l’Etat contribue à la réalisation de tels investissements.
Le PT est un facteur endogène
De nouveaux modèles de croissance (dits de la croissance endogène) sont apparus dans les années 1980. Les théoriciens de la croissance endogène » (fiche auteur :Romer, Lucas, Barro) adoptent de nouveaux points de vue sur l’origine de la croissance pour montrer le caractère auto-entretenu.
Pour eux, le progrès technique n’est pas le fruit du hasard « tombé du ciel », mais au contraire le résultat d’investissement spécifique mis en oeuvre par des agents économiques rationnels recherchant leur propre intérêts (le profit maximum pour des entreprises par exemple).
Les principaux facteurs de croissance endogène :
L’investissement permet d’augmenter le stock de capital. 4 types d’investissement sont mis en évidence :
- capital physique: il s’agit de l’équipement dans lequel investit une firme pour sa production. En investissant dans du matériel plus performant (investissements de productivité), cette firme, génère des externalités positives (amélioration de la productivité d’autres firmes, concurrentes ou non).
- recherche et développement (ou capital technologique): les investissements en R&D sont à l’origine de biens et de procédés nouveaux et donc source de revenus pour l’inventeur dont l’invention est protégée par un brevet. Si l’investissement en R&D obéit à une logique de profit privé, il accroît aussi le stock des connaissances pour tous et permet des innovations cumulatives (apparition d’ externalités positives).
- capital humain: le capital humain désigne l’ensemble des capacités apprises par les individus et qui contribuent à leur efficacité productive. Lorsqu’un individu se forme et améliore son niveau de capital humain, il concoure à l’amélioration du capital humain de la nation (externalités positives). Il travaille sans le savoir vraiment à améliorer le capital humain d’autres individus autour de lui. Ce qui est source de gains de productivité. Une main d’œuvre qualifiée est une force pour un pays (effort d’ éducation et de formation) –> avantage concurrentiel.
- L’investissement en infrastructures: les réseaux d’énergies, d’eau, de transports (routes, voies ferrées, aéroport. . . ) et de télécommunications jouent un rôle crucial dans le fonctionnement de l’économie. Ces infrastructures publiques augmentent la productivité, les performances du secteur privé (facilitent les échanges, favorise une répartition + efficace des activités économiques entre régions.. .). Ces investissements réalisés par l’État et surtout les collectivités locales génèrent des externalités positives pour l’ensemble de l’économie et permettent d’améliorer l’attractivité du territoire.
Le capital public est considéré comme un facteur de production supplémentaire.
Les politiques de croissance
Comment favoriser une croissance pérenne ? Inciter à produire du progrès technique ?
- Le rôle de l’État dans les modèles de croissance endogène : corriger les défaillances du marchés
Les investisseurs privés (en R/D, par exemple) ne tiennent pas compte des externalités positives qu’ils créent au niveau macroéconomique. De plus, les infrastructures ont un caractère de biens publics donc le marché ne les produit pas spontanément.
L’intervention de l’Etat aura pour rôle de coordonner les décisions individuelles de manière à faire jouer les externalités positives et de mettre à disposition des biens collectifs en quantité suffisante et de bonne qualité. L’État devient donc le « gérant des externalités positives » et le fournisseur de biens publics ».
- Les formes de l’intervention de l’État : des politiques structurelles
L’Etat intervient en incitant (incitations fiscales, juridiques…) les agents à produire des externalités positives ou en investissant lui-même dans des biens publics (financement direct), créateurs d’externalités positives :
- en investissant dans certaines infrastructures publiques qui améliorent l’efficacité de la production des entreprises privées. De ce point de vue, il apparaît que l’impôt et la dépense publique qu’il finance sont favorables à la croissance.
L’UE, participe au financement d’infrastructures de transport pour l’interconnexion en Europe pour 1.76 Mds€ sur la période 2016-2020. On peut citer parmi les 25 projets français retenus le tunnel ferroviaire Lyon-Turin. L’Europe a aussi privilégié les programmes permettant une large diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) avec les infrastructures pour l’Internet à haut-débit.
- en subventionnant la formation en capital humain par des politiques d’accès à l’éducation primaire et supérieure et aux services de santés. Les pays en développement ont intérêt à commencer par développer l’éducation primaire et secondaire qui suffit à permettre l’ imitation des innovations conçues ailleurs.
En revanche, les pays développés doivent investir dans l’enseignement supérieur pour pouvoir eux-mêmes innover. Il semble que de ce point de vue l’Europe ait accumulé un retard conséquent par rapport aux Etats-Unis.
- en soutenant la politique d’innovation (investissements en (R&D) par différents procédés:
Les commandes publiques, notamment dans le domaine militaire, le financement de la recherche fondamentale (laboratoires de recherche publique : CNRS, INSERM, etc.), la création de la banque publique d’investissement (Bpifrance), la mise en place d’un système juridique assurant le respect de la propriété intellectuelle (brevets déposés assurant un monopole d’exploitation de l’ invention pendant 20 ans) = incitations juridiques ou encore des systèmes fiscaux (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), crédit d’impôt recherche, subventions…). = incitations fiscales
- en encourageant la coopération entre les firmes pour créer des effets d’agglomération sur le modèle des districts industriels (création des pôles de compétitivité).
Dans ce cadre, les politiques retrouvent une vraie légitimité puisqu’elles ont pour missions d’établir une croissance durable. Mais elles ont pour objectifs d’agir sur l’offre à long terme par des politiques structurelles, alors que les keynésiens préconisent une action sur la demande à des fins de régulation conjoncturelle.