Des changements de l’environnement professionnel peuvent remettre en cause les conditions de travail, la localisation de l’activité ou le statut professionnel.
Nous envisagerons successivement le cas du salarié et le cas du fonctionnaire.
Les modifications proposées par l’employeur au salarié
L’ employeur peut proposer au salarié une modification dans son contrat de travail.
Selon qu’il s’agit d’un simple changement des conditions de travail ou de la modification du contrat dans l’un de ses éléments essentiels, le refus du salarié a des conséquences différentes.
La modification du contrat (porte sur un ou des éléments essentiels du contrat)
Modification non prévue au contrat
Contrairement au changement des conditions de travail, la modification du contrat de travail porte sur un/ou des éléments essentiels de ce contrat comme la rémunération, les attributions du salarié… Elle peut également porter sur un élément du contrat qui pouvait être déterminant pour le salarié lors de la conclusion du contrat à condition que cela soit stipulé par une clause claire et précise.
Une modification est donc considérée comme importante si elle porte en particulier sur:
- rémunération (baisse du salaire, structure du salaire : passage d’un salaire fixe à un salaire variable…)
- qualification (diminution des responsabilités)
- durée du travail (passage d’un temps partiel à un temps plein ou le contraire)
- le lieu de travail (s’il y a changement de secteur géographique)
Mais aussi une modification importante des horaires de travail (ex. : passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit, d’un horaire fixe à un horaire variable, introduction d’astreintes…)
Ces modifications importantes ne peuvent être imposées unilatéralement au salarié et nécessitent son accord exprès pour pouvoir s’appliquer (en vertu de l’article 1103 du code civil qui donne force obligatoire au contrat et énonce le principe de la liberté contractuelle} Ce que les parties ont fait, seules les parties peuvent le défaire).
En cas de refus, l’employeur peut :
- soit renoncer à cette modification (= maintien des conditions initiales de travail)
- soit ne pas renoncer à la modification et procéder à un licenciement pour motif personnel (mais pour un motif autre que le refus car celui ci ne constitue pas une faute). Lorsque cette modification est consécutive à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques le refus du salarié peut aboutir à un licenciement pour motif économique.
- à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
Formalisme à respecter : L’employeur doit informer chaque salarié de sa proposition de modification (doit être précise et loyale) d’un élément essentiel du contrat de travail, par lettre recommandée avec accusé de réception, en précisant au salarié qu’il dispose d’un délai (raisonnable) pour répondre et faire connaître, éventuellement, son refus. Passé ce délai, le salarié sera réputé avoir accepté la modification et ne pourra plus exprimer son refus officialisation de la modification par la signature d’un avenant au contrat dans le mois qui suit. NB : Dispositif renforcé si le projet de projet de révision répond à un motif économique.
Modifications en application de clauses contractuelles
Le contrat de travail qui a été conclu par le salarié peut prévoir des clauses précisant qu’il devra accepter certains changements, comme les horaires ou le lieu de travail (ex : la clause de mobilité). Le salarié doit exécuter ces obligations contractuelles, il ne peut donc refuser ces modifications (sauf à prouver qu’elles ne sont pas valides). Un refus est constitutif d’une faute pouvant justifier un licenciement.
Le changement des conditions de travail (éléments accessoires du contrat de travail)
Il s’agit de modifications peu importantes du contrat de travail (simple changement des modalités d’exécution de la prestation) prises dans le cadre de l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur (lien de subordination). Elles s’imposent donc au salarié qui ne peut en principe refuser (mais obligation de loyauté –> information préalable et délai raisonnable). Le contrat se poursuit dans les nouvelles conditions. Si le salarié les refuse, il s’expose à des sanctions (éventuellement un licenciement) car il manque à ses obligations contractuelles (cause réelle et sérieuse de licenciement).
Par exemple, le salarié ne peut s’opposer à une modification de son lieu de travail dès lors que ce nouveau lieu de travail se situe dans le même secteur géographique (appréciation par la jurisprudence « un rayon de 30 km ») en l’absence de clause de mobilité, ou à un changement d’horaires au cours de la journée…
Cas particulier des changements imposés par les conditions économiques
Un employeur qui envisage de procéder à des licenciements pour motif économique ne peut le faire que si le reclassement des intéressés dans l’entreprise ou le groupe, s’avère impossible.
En conséquence, avant de commencer la procédure de licenciement, l’employeur est tenu de tout mettre en œuvre pour former et adapter le salarié concerné à l’évolution de son emploi et le cas échéant, le reclasser dans l’entreprise (ou dans le groupe auquel elle appartient) dans un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et avec l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure.
La modification de la situation juridique de l’employeur
La modification dans la situation juridique de l’employeur : le transfert d’entreprise
La vie économique se traduit souvent pour les entreprises par de profonds bouleversements. Elles s’absorbent, fusionnent, se vendent (cession d’entreprise), déposent le bilan et sont reprises par d’autres… Quelles sont les conséquences de ces mutations sur les salariés ?
Qualifions cette situation en termes juridiques ; il s’agit d’étudier pour le travailleur salarié les conséquences sur son contrat de travail du transfert d’entreprise se traduisant par une modification de la situation juridique de l’employeur.
Ce ne sont pas les salariés qui changent d’entreprise, c’est l’entreprise qui se transforme et change de propriétaire et de direction. Le droit français en application d’une directive européenne, se montre très protecteur pour les salariés.
Droit français et européen
Le droit interne français et le droit européen vont dans le même sens. Leurs dispositions visent à protéger les salariés en cas de modification de structure de l’entreprise en transférant les contrats de travail au nouvel employeur.
NB : Cette disposition constitue une exception importante au principe de l’article 1165 du Code civil selon lequel les contrats ne produisent d’effet que sur les parties contractantes. Lorsque l’article L. 1224-1 du Code du travail s’applique, le nouveau propriétaire de l’entreprise récupère tous les contrats de travail alors qu ‘il n ‘a personnellement consenti à aucun.
La jurisprudence
La Cour de cassation dans son interprétation de l’article L1224-1, ou la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) au niveau de l’UE exigent plusieurs conditions cumulatives pour décider s’il y a modification juridique de l’employeur, donc transfert d’entreprise :
- l’existence d’une entité économique autonome, c’est-à-dire une structure identifiée avec des moyens propres en matériel et poursuivant des objectifs spécifiques ou disposant d’une clientèle personnelle.
Définition jurisprudentielle d’une entité économique autonome : « Ensemble autonome et organisé de personnes et d’éléments corporels (matériel, stocks, etc.) ou incorporels (clientèle, bail commercial, etc.) permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre ».
RQ : Le transfert peut concerner toute l’entreprise ou un sous ensemble (cession partielle : un établissement, une branche d’activité…), à condition que cela constitue une entité économique autonome. Par exemples, le service de restauration d’un centre hospitalier transféré à une entreprise spécialisée ou la cession de son rayon boucherie par un supermarché constitue un transfert d’une entité économique autonome.
- Un transfert de cette entité (activité poursuivie ou reprise) qui conserve son identité entre les mains du nouvel employeur (dénomination sociale par ex). C’est-à-dire que l’activité doit se poursuivre sans changement fondamental.
- des contrats de travail en cours
Si l’une de ces conditions fait défaut, il n’y a pas de transfert de contrat. Dans le cas contraire, les contrats se poursuivent entre les salariés et le cessionnaire (celui qui achète).
Les effets du transfert : la continuité du contrat de travail
Principe :
Tous les contrats de travail en cours sont donc transférés dans tous leurs éléments (qualification, salaire, ancienneté, clauses particulières…) : aucune notification individuelle n’est exigée aucune autorisation n’est à solliciter (sauf pour les salariés dotés d’un mandat de représentant du personnel pour lesquels il faut obtenir une autorisation de l’inspecteur du travail pour éviter toute discrimination). Il faut cependant informer et consulter le comité d’entreprise préalablement à la décision de modification dans la situation juridique de l’employeur.
Les contrats sont repris automatiquement et se poursuivent dans les mêmes condition.
- le salarié : ne peut s’opposer à ce transfert sauf à se voir imputer la rupture du contrat.
- l’employeur : doit poursuivre les contrats (s’il refuse, il y a rupture du contrat de travail de son fait), fournir le travail convenu, verser la rémunération convenue et respecter les conditions de travail du salarié (en cas de modification, il lui faudra l’accord du salarié).
Le nouvel employeur est tenu à l’égard des salariés dont les contrats subsistent des obligations salariales qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification. Il se voit transférer la charge des droits acquis avant le transfert mais dont l’échéance lui est postérieure (congés payés, primes de fin d’année…) Si une convention ou un accord collectif prévoyait des avantages individuels acquis, à défaut d’un nouvel accord dans les 15 mois suivant le transfert, les salariés conservent ces avantages issus de l’ancien accord.
Cependant, après le transfert, le nouvel employeur peut procéder aux modifications et aux licenciements qu’il juge nécessaires pour l’entreprise, dans les mêmes conditions que si le salarié avait été à son service depuis l’origine. Ces règles s’imposent tant à l’ancien et au nouvel employeur, qu’au salarié qui, s’il refusait son transfert, romprait son contrat avec les effets d’une démission.
Les modifications proposées par l’administration au fonctionnaire
La mobilité des fonctionnaires est nécessaire pour assurer le fonctionnement des services publics au meilleur niveau possible. L’autorité hiérarchique organise le service comme elle l’entend, et la mobilité en est la conséquence.
Mais un élément fort du statut général des fonctionnaires, en tant que garantie fondamentale de leur carrière, est la séparation du grade et de l’emploi. Cette séparation sert d’abord à empêcher le licenciement du fonctionnaire en cas de suppression d’emploi.
Ensuite, le fonctionnaire est titulaire de son grade et l’employeur public doit lui fournir une affectation correspondant à ce grade, accompagnée le cas échéant d’une formation pour prise de poste.
À la mobilité traditionnelle faite à la demande de l’agent, s’ajoutent des mobilités obligatoires (fonctionnelle, géographique) selon les statuts, ou des mobilités plus exceptionnelles comme le détachement.
On notera que plusieurs décrets de mai 2007 ont institué une prime de restructuration de service, un complément indemnitaire en faveur de certains fonctionnaires de l’Etat à l’occasion d’opérations de restructuration, une indemnité temporaire de mobilité accordée dans le cadre d’une mobilité fonctionnelle ou géographique aux titulaires ou non-titulaires recrutés en CDI sur une période allant de 3 à 6 ans.