La synthèse de document est la première partie de l’épreuve de culture générale pour le BTS SAM. Voici un exemple de synthèse sur le thème « Corps naturel, corps artificiel ».
Corps naturel, corps artificiel : le corps et la question du Beau
Les 5 documents du corpus :
- Extrait du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde
- Extrait du banquet de Platon
- La naissance de Vénus de Botticelli
- « Vénus anadyomène » de Rimbaud
- Extrait de « l’éloge du maquillage » de Baudelaire
Introduction
Ce corpus présente des documents d’époques variées, qui vont de l’Antiquité grecque à la fin du XIXème siècle, en passant par la Renaissance. Relevant tous d’arts différents, ils traitent de la notion de Beau en rapport avec le corps humain. La beauté naturelle du corps jeune, évoquée dans chaque document de façon plus ou moins explicite, permet d’interroger sous différents angles la nature même de la beauté, considérée comme éphémère et relevant de l’apparence, ou au contraire comme intemporelle, intellectualisée voire spiritualisée. Les auteurs accordent une place variable à l’artifice dans leur réflexion : sublimer le corps humain naturel (par la parure, la réflexion philosophique ou la création artistique), est-ce seulement lutter contre une inéluctable déchéance, ou bien dépasser les apparences pour s’élever vers une beauté transcendante ? En concevant différemment l’éphémère beauté du corps naturel, les documents proposent plusieurs visions du rapport au temps, voire au tragique de l’existence. Nous verrons ensuite que de ces conceptions découle une réflexion sur la place de l’artifice dans la beauté du corps humain.
1- La définition de la beauté engage une vision du rapport au temps et au tragique
- Conception de la beauté du corps jeune : « un fait absolu » et indépassable chez O. Wilde, au contraire tout à fait dépassable, voire méprisable à côté de la beauté artistique, pour Baudelaire. Chez Platon, fait partie des « beautés inférieures » permettant d’accéder au Beau supérieur, on retrouve peut-être cette idée de transcendance chez Rimbaud : la beauté du corps de la femme jeune est ici évoquée implicitement, en négatif et ironiquement, mais le corps enlaidi est l’objet de l’esthétique poétique. Botticelli : la beauté naturelle (de son modèle) sert à figurer l’essence même de la beauté intemporelle (Venus). Donc la question est de savoir si le corps naturel est vecteur d’une beauté autre, ou non.
- Vision du temps, de l’éphémère, de l’éternité : Texte 1, la beauté du corps naturel est limitée à la jeunesse, ensuite elle disparaît. On pourrait dire même chose chez Rimbaud ? mais la déchéance ici s’accompagne d’une grande lucidité (importance du thème de la vue) qui la rend belle (« belle hideusement », dit-il). Pour Baudelaire comme pour Platon et Botticelli, la véritable beauté est éternelle ; le corps naturel est pour Platon un vecteur d’accès à cette beauté ; pour Baudelaire, il est une sorte de support (via le maquillage) pour atteindre la beauté artistique ; chez Botticelli, le modèle, une jeune femme décédée, permet de montrer d’une façon éternelle (mythologie, dimensions du tableau…) le caractère éphémère de la beauté (présence de l’une des Heures, le Printemps, Zéphyr…).
- Le caractère éphémère de la beauté du corps naturel est-il tragique ? Absolument pour le personnage d’O. Wilde, qui y tient. Chez Rimbaud aussi, ironie tragique (sauf que l’un est un homme mûr et l’autre un jeune homme…). Rien n’est vraiment tragique dans le tableau de Botticelli, alors que pour Baudelaire le tragique serait justement ta « vulgarité d’imiter la belle nature et de rivaliser avec la jeunesse ». Pour Platon la vraie beauté se définit précisément en ce qu’elle échappe au tragique.
Transition : quelle vision de l’existence développer à partir de l’idée que la beauté du corps naturel est éphémère ?
2- Le recours à l’art(ifice) permet de donner un sens existentiel à la beauté du corps naturel
- Les auteurs s’efforcent d’intellectualiser la beauté du corps, même si, pour lord Henry, cela se limite à dire que la beauté est « moins superficielle que la pensée ». Au contraire, les autres documents valorisent la pensée humaine : la beauté du corps mène à la connaissance et au savoir pour Platon, comme pour Baudelaire, qui voit en elle un vecteur de « l’infini » ; elle est un élément de la culture humaine chez Botticelli (canons de la beauté classique, Renaissance) ; chez Rimbaud la laideur de la déchéance est comme rachetée (de façon cruelle, et baudelairienne) par la beauté des mots (« Clara Venus ») et de la poésie. Le corps est-il alors encore « naturel », ou déjà rendu « artificiel » dans ce corpus, par la pensée, l’art et le langage ?
- Pour O. Wilde l’artifice ne sert de rien, seules la conscience et la lucidité permettent au corps jeune de vivre des joies un court moment ; au contraire chez Botticelli, c’est l’art qui fait d’une morte, une éternelle beauté, sans lequel elle aurait disparu ; sans l’art (ici, maquillage élevé au rang d’art), le corps naturel n’est pas grand-chose pour Baudelaire non plus, et ne serait peut-être qu’un objet méprisable dans le poème de Rimbaud s’il n’était stylisé par le langage. Enfin pour Platon, l’artifice («la parure») relève des beautés inférieures, qui ont cependant l’intérêt de mener à la beauté supérieure.
- On pourrait finalement dire, en schématisant quelque peu, que pour Baudelaire, le corps artificiel est plus beau que le corps naturel, ce en quoi on peut l’opposer à O. Wilde (du moins à son personnage) alors que, corps naturel beau ou laid, c’est l’art qui en fait un objet de beauté chez Botticelli et chez Rimbaud. Au contraire pour Platon, la nature comme l’artifice sont à dépasser pour atteindre la connaissance du Beau.
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