La démarche stratégique commence par une phase de diagnostic qui revêt une double dimension. Le diagnostic externe doit être complété par un diagnostic interne qui va permettre à l’entreprise d’identifier ses forces et ses faiblesses en termes de ressources mais aussi de de repérer celles qui peuvent lui conférer un avantage concurrentiel.
Ce diagnostic permct de déterminer sa capacité à faire face aux défis environnementaux tout en garantissant l’efficience ct la pérennité de l’entreprise.
Pour réaliser ce diagnostic stratégique, l’entreprise dispose de différents outils d’analyse :
- l’analyse du fonctionnement interne de l’entreprise en utilisant la chaîne de valeur décrite par PORTER (fiche auteur : Porter)
- l’évaluation du potentiel de l’entreprise, c’est-à-dire de ses ressources matérielles, humaines, financières et immatérielle, en mobilisant l’analyse des ressources tangibles et intangibles de PENROSE, et l’analyse de compétences fondamentales de HAMEL et PRAHALAD.
Le diagnostic interne par la chaîne de valeur (PORTER)
La chaîne de valeur permet d’étudier le fonctionnement interne de l’entreprise. Son analyse permet d’identifier les activités les plus créatrices de valeur car apportant un avantage concurrentiel.
Définition de la chaîne de valeur pour PORTER
Une chaîne de valeur est l’ensemble des étapes (activités internes) déterminant la capacité d’un DAS (ou d’une entreprise) à obtenir un avantage concurrentiel. Porter décompose l’entreprise en deux types d’activités internes : les activités principales (celles qui concourent directement à la création matérielle et à la vente du produit) et les activités de soutien (elles viennent en appui de l’activité principale).
Les activités principales (ou fonctions opérationnelles) comprennent principalement la logistique interne (réception des marchandises des fournisseurs, entreposage des produits en cours) ; la production (fabrication des composants, assemblage, finition) ; la logistique externe ( envoi des produits finis aux grossistes, distributeurs, ou directement aux consommateurs) ; la commercialisation (marketing et vente) ; les services qui permettent un accroissement de la valeur de l’offre (SAV, installation, financement, formation des utilisateurs).
Les activités de soutien (ou fonctions support) regroupent l’approvisionnement (sélection des fournisseurs pour un achat au meilleur rapport qualité/prix, au meilleur délai) ; la recherche et développement (activité liée à l’innovation produit et process et à sa protection par des brevets) ; la gestion des ressources humaines (recrutement, formation, rémunération, plan de carrière, etc.) et l’infrastructure de l’entreprise (Direction Générale, comptabilité, finances, système d’information, service juridique, relations publiques…).
Intérêt : faire le diagnostic de la chaîne de valeur et prendre les bonnes décisions stratégiques
Il s’agit de mesurer combien chaque activité (chaque maillon de la chaîne) coûte à l’entreprise, combien elle rapporte, donc de distinguer ce qui fait sa force ou sa faiblesse. A la suite de cette analyse, on pourra privilégier les activités internes qui sont à l’origine d’un avantage concurrentiel en termes de coût ou de différenciation (par la qualité par ex.) et, pour les autres, en confier l’exécution à un sous-traitant ou un partenaire extérieur (externalisation).
Par exemple : une logistique défaillante générera une perte de chiffre d’affaires et une mauvaise image de l’entreprise. Il conviendra de l’externaliser auprès de partenaires plus efficaces.
Remarque : il faut non seulement analyser chaque activité interne, mais aussi la qualité des liaisons au sein des activités principales (exemple : la livraison et l’installation d’un produit à la date prévue nécessitent une coordination entre la production, la logistique externe et le SAV) et au sein des activités de soutien (exemple : les systèmes d’information qui composent l’infrastructure interviennent dans les activités de développement technologique), voire entre les activités principales et de soutien (exemple : pour que la force de vente soit performante en matière de commercialisation, il faut que la GRH ait fait un recrutement de qualité).
Les activités sont dépendantes les unes des autres. L’avantage concurrentiel provient autant des liaisons entre les activités (donc d’une bonne coordination) que des activités elles-mêmes.
Le diagnostic interne par l’analyse du portefeuille de ressources (PENROSE)
Les ressources de l’entreprise sont constituées par l‘ensemble des moyens dont l’entreprise dispose. On distingue traditionnellement les ressources humaines, les ressources financières et les ressources matérielles. PENROSE propose une analyse beaucoup plus fine.
Dans son livre sur la croissance de l’entreprise (1959), Edith PENROSE explique que si l’entreprise veut croître, elle doit analyser ses ressources, repérer celles qui la contraignent et développer celles qui lui permettent de dégager un avantage concurrentiel (les ressources et compétences distinctives).
L’entreprise dispose de ressources tangibles et intangibles dont il faut faire le diagnostic
L’entreprise est analysée comme un ensemble de ressources tangibles (actifs observables et matériels nécessaires à la réalisation de l’activité de l’entreprise) et intangibles (ressources immatérielles). Ces deux catégories de ressources, conjuguées à des compétences, visent à l’accroissement des profits à long terme.
Les ressources tangibles
Le diagnostic des ressources tangibles porte sur les ressources :
- physiques (équipements, sites de production…) : il s’agit d’étudier leurs caractéristiques (notamment en termes d’âge, de localisation, d’évolution technique, de flexibilité) car elles ont des conséquences pour l’entreprise en termes de coûts et de qualité et peuvent la placer en position de force ou de faiblesse par rapport à ses concurrents.
- financières : il s’agit d’étudier les résultats de l’entreprise, sa rentabilité, son niveau d’endettement, ses sources de financement possibles à court et à long termes, afin d’évaluer sa position financière actuelle par rapport à celle de ses concurrents et de déterminer sa capacité à mobiliser de nouvelles ressources financières.
- humaines (dans leur dimension quantitative) : il s’agit par exemple de s’intéresser à l’effectif salarié et à sa pyramide des âges pour déterminer les points forts et les points faibles de l’entreprise.
Les ressources intangible
Le diagnostic des ressources intangibles (immatérielles) porte sur les ressources :
- humaines (dans leur dimension qualitative) : l’étude porte sur le niveau de connaissances des salariés, sur leur savoir-faire et expériences, ainsi que sur leur adaptabilité, leur motivation ou leur capacité d’innovation, rendus notamment possibles par la politique de GRH de l’entreprise.
- technologiques : il s’agit en particulier de s’intéresser aux brevets détenus par l’entreprise et aux efforts menés dans le domaine de la recherche-développement.
- mercatiques : elles englobent les marques protégées, la réputation et l’image de marque de l’entreprise, sa notoriété…
- organisationnelles et managériales : tenant à la qualité de la structure organisationnelle, à son aptitude à susciter l’innovation, à rendre l’entreprise créative, au contrôle de la qualité, aux procédures..
Intérêt pour l’entreprise du diagnostic de ses ressources tangibles et intangibles
Au cours de l’évaluation de ses ressources, l’entreprise doit identifier celles qui, parmi ses ressources tangibles et/ou intangibles, sont stratégiques pour elle, celles qui constituent pour elle une faiblesse (ou qui sont communes à tous les concurrents) et quelles sont celles qui constituent une force pour obtenir et conserver un avantage sur ses concurrents. Le contexte actuel d’internationalisation et de concurrence accrue contraint l’entreprise à se tourner de plus en plus vers des investissements immatériels.
Cette identification se fait en analysant les ressources par rapport à deux critères :
- leur valeur pour les clients : c’est leur capacité à créer une différence aux yeux des clients par rapport aux ressources des concurrents.
- leur exclusivité pour l’organisation : elle est liée à la rareté des ressources, à leur difficulté d’imitation et à leur non-substituabilité avec celles des concurrents.
L’intérêt de cette théorie est d’inverser le rapport à l’environnement de l’entreprise et de proposer une nouvelle approche de la stratégie. L’entreprise doit exploiter ses ressources, ses compétences afin de façonner un contexte concurrentiel qui lui soit favorable. Elle crée son environnement plus qu’elle ne le subit.
Le diagnostic interne par l’analyse des compétences (HAMEL et PRAHALAD)
Depuis le milieu des années 1980, la notion de compétence s’est imposée face à celle de qualification. La compétence est définie comme la capacité à mettre en oeuvre à mobiliser des ressources pour atteindre un objectif. Disposer de ressources ne sert à rien si on ne sait pas les combiner, les mettre en œuvre. Les compétences constituent l’élément essentiel de la réussite de l’entreprise car elles créent des avantages concurrentiels.
On peut distinguer des compétences individuelles des compétences collectives.
L’analyse des compétences
Les compétences individuelles
La compétence d’un individu est sa capacité à comprendre et interpréter différents problèmes professionnels pour pouvoir les résoudre dans un contexte particulier. Une compétence est, par conséquent, une connaissance en action. Elle dépend donc de l’individu et du contexte de l’action.
La compétence individuelle combine le savoir, savoir-faire et savoir-être d’un individu :
- savoir (formation théorique ; connaissances des marchés, des clients, des produits, … )
- savoir-faire (expérience managériale, industrielle, commerciale, )
- savoir être (comportement, attitude, capacité à communiquer, aptitude à gérer les conflits, … )
Les compétences collectives (spécifiques, managériales et transversales)
Au-delà des compétences individuelles, il faut aussi considérer la compétence de l’organisation ou compétence collective, c’est-à-dire la façon dont l’organisation utilise l’ensemble des savoirs et savoir-faire collectifs. Il s’agit de compétences spécifiques, managériales et transversales susceptibles de lui donner un avantage concurrentiel.
- Les compétences spécifiques sont propres aux métiers de l’entreprise (ex. créer de la magie pour Disney, créer des pneus performants pour Michelin…) ou aux fonctions (ex. le savoir faire d’une équipe de vendeurs).
- Compétences managériales qui assureront l’animation et la mobilisation du personnel ainsi que la mise en place d’une stratégie pertinente (ex. savoir finaliser des stratégies, savoir choisir la bonne organisation, savoir mettre en place un système de contrôle…).
- Les compétences transversales qui lui permettront de maîtriser ses processus internes tels que celui du développement de nouveaux produits, ou la maîtrise d’une Qualité Totale, ou la gestion de la relation avec ses fournisseurs et ses clients par la maîtrise d’un PGI.
Le repérage des compétences fondamentales (HAMEL et PRAHALAD)
Tâche essentielle du management :
HAMEL et PRAHALAD (1990) ont démontré que les compétences sont sources de compétitivité. Ils ont construit un modèle représentant l’entreprise comme un arbre dont les racines sont ses compétences fondamentales. L’une des tâches du management est d’identifier, d’exploiter et de protéger les compétences fondamentales, le cœur de compétences.
Identification d’une compétence fondamentale (ou distinctive):
Pour PRAHALAD et HAMEL, une compétence est qualifiée de fondamentale si elle passe le test des 4 questions (conditions à respecter pour apporter un avantage concurrentiel)
- Valeur ? Elle doit impérativement créer de la valeur pour le client, qui doit être prêt à acheter. La compétence doit permettre à l’entreprise d’exploiter une opportunité ou de neutraliser une menace. Si ce n’est pas le cas, elle ne présente qu’un intérêt limité pour l’entreprise qui la détient.
- Rareté ? Elle ne doit pas être détenue par un grand nombre d’entreprises (un nombre limitée de firmes, idéalement une seule…). Si elle n’est pas unique, elle ne permet pas de creuser l’écart par rapport à la concurrence (ex. Toyota qui a, le Ier, produit avec le zéro défaut, s ‘est construit pour un temps un avantage concurrentiel. Quand cette compétence s’est généralisée à tous les autres acteurs de l’industrie automobile, la rareté a disparu).
- Imitabilité ? Elle doit impérativement être très difficile et coûteuse à imiter par les concurrents. Si elle est rare, mais imitable, elle permet de se distinguer de la concurrence… mais seulement pendant un laps de temps limité. Ce qui suppose qu’on ne puisse pas facilement l’acquérir (d’où la protection par des brevets et déposés, par des secrets de fabrication, des clauses de confidentialité…) De plus, elle ne doit pas être substituable.
- Organisation ? L’entreprise doit être organisée de manière à pouvoir bien l’exploiter, à bien tirer profit du potentiel des compétences.
Elle doit aussi permettre d’accéder à une grande variété de marché.
Les entreprises vont chercher à développer ces compétences distinctives en leur allouant des moyens financiers. Ainsi la société UPS se distingue de ses concurrents par l’efficacité de sa logistique ; Nespresso mise sur son marketing ; Apple concentre ses efforts sur sa R&D ; etc. Afin de toujours détenir une longueur d’avance sur leurs concurrents.
Résumé :
L’analyse de l’environnement global, des forces concurrentielles et du marché permet de dégager les menaces et les opportunités. Les stratégies seront ensuite définies en tenant compte des ressources (humaines, financières et matérielles…) et des compétences que l’entreprise détient ou qu’elle devra acquérir.
Pour réaliser le diagnostic stratégique interne, l’entreprise dispose de différents outils d’analyse. Les outils développés par M. PORTER (la chaîne de valeur en ce qui concerne le diagnostic interne) permettent de faire ressortir les sources d’un avantage concurrentiel pour chaque DAS.
En ce qui concerne plus particulièrement l’approche par les ressources et les compétences (E.T. PENROSE) on distingue d’abord les ressources tangibles (ex : équipements, ressources financières et humaines dans leur dimension quantitative) des ressources intangibles (ex : réputation, image, savoirs et savoir-faire du personnel, savoir organisationnel et managérial, ressources technologiques) puis les compétences générales et distinctives (ou fondamentales) (G. HAMEL et C.K. PRAHALAD), celles-ci pouvant être spécifiques à un domaine d’activité ou plus transversales.
Le diagnostic aboutit systématiquement à une synthèse mettant en évidence les forces et faiblesses de l’entreprise face aux menaces et opportunités de l’environnement.