Pour assurer les différents services publics, l’État et ses décentralisations ont besoin de recourir aux services du secteur public. L’État ne peut tout assurer, ce qui aurait un coût prohibitif pour les contribuables. D’autre part, il est logique d’utiliser les compétences présentes sur le marché. Encore faut-il réglementer soigneusement ces relations économiques, tant les parties contractantes sont différentes en matière de pouvoirs, de finances, mais aussi d’objectifs de gestion. C’est pour cela que le droit a prévu de manière méticuleuse les particularités de la réglementation des marchés publics via des contrats administratifs.

Les contrats de marchés publics sont très prisés par les entreprises : l’État et ses services sont en effet des clients sûrs, qui présentent moins de risque de connaître des difficultés financières, bien que l’actualité puisse aujourd’hui amener à modérer ce jugement. Il est donc fréquent que les entreprises cherchent à signer des contrats publics. Cependant, le domaine des marchés publics fait appel à des procédures particulières qui nécessitent une très bonne connaissance pour réussir à emporter un marché. 

Le droit des contrats administratifs est fondé sur le droit des contrats civils, dont il reprend les grands principes. La spécificité du droit administratif est qu’il organise l’action de la puissance publique, et qu’il recherche toujours un juste équilibre entre les intérêts de l’État et ceux des particuliers impliqués. Cela est particulièrement vrai dans le domaine qui nous intéresse. 

Les marchés publics, contrats administratifs

Les contrats administratifs par détermination de la loi

Certains contrats sont toujours administratifs par détermination de la loi. Il s’agit des contrats relatifs à l’exécution de travaux publics, des contrats comportant occupation du domaine public et des marchés soumis au Code des marchés publics. 

Les contrats administratifs par leur objet

Le contrat de marché public vise à la réalisation d’un service public, plus ou moins direct (assurer l’approvisionnement en matériel et en repas, d’un hôpital, équiper un lycée, assurer la formation en langues étrangères des artistes lyriques d’un opéra régional…). C’est l’intérêt général qui est en question, et cette particularité explique et justifie que le droit donne au contractant public des prérogatives spécifiques, qu’il refuse à un simple particulier. 

Ces prestations peuvent être matérielles (travaux, fournitures…) ou immatérielles (formation, ingénierie…). Le détail de ces prestations et les conditions de réalisation du contrat sont prévus de manière très précise dans un cahier des charges annexé au contrat. 

L’objectif d’un marché public est de couvrir les besoins du service public. Dans tous les cas, c’est l’intérêt général qui est poursuivi, qu’il s’agisse d’un marché portant sur des travaux (par exemple, une construction), des fournitures (par exemple, des livraisons de repas) ou des services (ce que nous avons appelé les « prestations immatérielles »). 

Ce sont les obiectifs des contrats de marchés publics qui expliquent les trois grands principes juridiques qui les caractérisent : 

  • liberté d’accès à la commande publique : la procédure doit être transparente et appliquée de manière égale à tous les candidats  
  • égalité de traitement des candidats : chaque candidat doit être traité de manière à avoir les mêmes chances que ses concurrents d’obtenir le marché. Cela exclut favoritisme et, naturellement, corruption
  • transparence des procédures : les textes ainsi que chaque détail de la procédure suivie sont mis à la disposition des candidats. 

Il résulte de ces trois principes la règle principale qui prévaut dans ces contrats : la bonne utilisation des deniers publics. La puissance publique doit faire le meilleur usage possible de l’argent des contribuables. Cela implique des choix rationnels, avec une étude attentive du rapport qualité/prix par les responsables de la gestion des marchés. Le pouvoir adjudicateur, comptable de l’intérêt de tous les citoyens, doit choisir l’offre la plus avantageuse. 

 

Les contrats administratifs

Les contrats administratifs par les parties contractantes

Un contrat de marché public est un contrat conclu à titre onéreux entre l’acheteur, c’est-à-dire la personne publique (un opéra, une commune, un lycée…) et une personne privée, généralement une entreprise qui va fournir les prestations attendues et prévues dans le contrat. 

Dans un contrat civil, les cocontractants sont placés strictement sur un pied d’égalité : le principe de la liberté prime à tous les niveaux, jusqu’au moment où la signature engage chacun. Lorsqu’il s’agit, comme ici, de contrats engageant la personne publique, laquelle représente l’intérêt général, il ne peut plus en être de même car l’État ou toute personne morale représentant la puissance publique ne peuvent être traités comme des particuliers pour la raison même de ce qu’ils représentent. 

Un contrat public, tel le contrat de marché public, est donc un contrat conclu entre une personne privée (c’est le cas très majoritairement) et une personne publique : l’État, l’un de ses services déconcentrés ou une personne morale ou physique représentant la puissance publique. Pour signer le contrat, elle nommera un représentant. 

La personne publique partie au contrat est appelée « adjudicateur ». Il peut s’agir : 

  • de l’État et de l’un de ses établissements publics
  • d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public local (exemple : un lycée)

L’entreprise candidate qui répond à l’offre de marché est appelée « titulaire » dès que le contrat est signé ; pour des raisons pratiques évidentes, elle aussi désignera un représentant personne physique, qui sera nommé « mandataire ». Il est à noter qu’une personne publique peut également se porter candidate pour répondre aux besoins exprimés dans l’appel d’offres. Il faut alors que ses concurrents privés aient la garantie de l’égalité de traitement. 

Les précautions prises pour respecter les droits des entreprises candidates expliquent le statut particulier de la personne publique, qui doit à la fois respecter des obligations spécifiques (donner une information complète, claire et fiable sur le marché à prendre, mettre en concurrence réelle les candidats) mais qui dispose aussi d’un pouvoir très fort puisque c’est elle qui décide et impose les conditions du marché. 

La clause exorbitante de droit commun

Les contrats administratifs sont caractérisés par la qualité de l’un des contractants ; ils le sont aussi, et de manière encore plus fondamentale, par le fait qu’à tout le moins, une des clauses est exorbitante du droit commun. Cela signifie qu’elle serait déclarée nulle par le juge si le contrat était conclu entre deux particuliers. Cette clause accorde un avantage important à la personne publique justifié par la recherche de l’intérêt général. Elle ne se rencontre pas dans un contrat de droit privé où elle serait perçue comme abusive. Quatre types de clauses exorbitantes sont présents dans les contrats administratifs. Certaines expriment les prérogatives de la puissance publique, par exemple la clause autorisant la personne publique à modifier le contrat unilatéralement. D’autres placent le cocontractant sous le contrôle ou l’autorité de la personne publique, par exemple la clause selon laquelle l’administration peut exiger le renvoi du personnel. D’autres encore autorisent la résiliation unilatérale ou exigent le respect d’un cahier des charges. 

Cette caractéristique est tellement essentielle qu’elle est devenue un critère pour la qualification du contrat : il suffit qu’il y ait une clause exorbitante du droit commun dans un contrat avec la puissance publique pour que ce contrat soit qualifié d’« administratif » par la jurisprudence. 

Il faut remarquer cependant que la liberté de la puissance publique, bien que très grande, n’est pas illimitée. Tout déséquilibre trop prononcé en faveur de la puissance publique pourrait se traduire par la possibilité donnée au cocontractant d’engager une action en abus de pouvoir auprès des tribunaux administratifs.