Il aura fallu 13 ans et une condamnation de la France par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) pour que soit transposée la directive communautaire 85/374/CEE du 25.07.1985 (produits défectueux). Les raisons en sont diverses : 

  •  harmonisation du droit européen et protection de la concurrence
  • protection des produits importés en UE
  • sécurité des personnes, des consommateurs (en France, la condamnation des fabricants de produits médicaux est en hausse suite aux affaires du sang contaminé, du vaccin contre l’hépatite B, de l’hormone de croissance…). Y compris pour les produits importés
  • obligation de prévention des risques liés aux produits, pour les entreprises. 

La responsabilité du fait des produits défectueux a été introduite en droit français par la loi du 19 mai 1998. Cette loi instaure un régime spécifique qui ne relève ni de la responsabilité contractuelle ni de la responsabilité civile délictuelle au sens des articles 1240 et suivants. 

Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux a été inséré dans le code civil (art. 1245 à 1245-17). 

Le champ d’application

La notion de produits selon le Code civil (art. 1245-2) 

C’est une conception extrêmement large du produit qui est retenue. 

Tout bien meuble est concerné : 

  • Meuble corporel (produits manufacturés, produits du sol, de l’élevage ou de la pêche) ; y compris incorporé dans un immeuble. 
  • Meuble incorporel (l’électricité par exemple).

Seuls les immeubles sont exclus. En effet, d’autres régimes de responsabilités existent.

Les parties en présence

Les victimes:

Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux protège toutes les victimes :  consommateurs comme professionnels. Il existe toutefois une différence entre client professionnel et client consommateur. Le contrat de vente entre professionnels peut en valablement comporter une clause limitative de responsabilité, alors que cette clause serait nulle dans le contrat de vente avec un particulier. 

La victime peut être ou non liée par contrat avec le professionnel (art.1245 CC) ; cette responsabilité peut être invoquée indifféremment par le cocontractant (acheteur ou locataire) a par toute personne concernée par la défectuosité dangereuse du produit (celui qui a reçu le en cadeau, etc). 

Le responsable :

Il s’agit du PRODUCTEUR.

Est producteur, lorsqu’il agit à titre PROFESSIONNEL : 

  • le fabricant d’un produit fini 
  • le producteur d’une matière première 
  • le fabricant d’une partie composante 

Est assimilé au producteur, toute personne agissant à titre professionnel : 

qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif (ex : marques de distributeur dans la grande distribution) qui importe un produit dans la Communauté Européenne. 

Si le producteur ne peut être identifié Art. 1245-6 C.civ. est responsable, le VENDEUR, le LOUEUR, ou tout autre FOURNISSEUR PROFESSIONNEL, 

La mise en oeuvre

Les conditions de mise en œuvre 

 La victime doit prouver le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre les deux. (Art. 1245-8 du Code civil). 

Le dommage :

  • Atteinte à la personne (dommage corporel). 
  • Atteinte à un bien autre (lue le produit défectueux lui-même, qu’il soit à usage professionnel ou personnel (dommage matériel). Par ex., une voiture qui prend feu a été considérée comme un dommage non réparable. Il faut agir avec un autre régime de responsabilité. 

Seuls les dommages supérieurs à 500 euros sont indemnisés (décret du 11.02.2005). 

  Le défaut :

Un produit est défectueux lorsqu’il NE PRÉSENTE PAS LA SÉCURITÉ A LAQUELLE ON PEUT LÉGITIMEMENT S’ATTENDRE (produit anormalement dangereux).

Pour apprécier le caractère défectueux, il doit être tenu compte : 

  • de la présentation du produit (notice d’information, etc.) 
  • de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu 
  • et du moment de sa mise en circulation (un produit est mis en circulation quand le producteur le commercialise) 

 

  •  Il s’agit d’une RESPONSABILITÉ de PLEIN DROIT du producteur, c’est-à-dire d’une responsabilité sans faute (Art. 1245). C’est une responsabilité objective, fondée sur le risque. 

Il suffit que le défaut existe, peu importe que le producteur ait commis ou non une faute. 

Aucune distinction n’est faite entre la source contractuelle et délictuelle de la responsabilité. Le producteur peut être tenu pour responsable, qu’il soit lié ou non par contrat avec la victime. 

  • C’est une responsabilité temporaire : Délais d’action (prescription extinctive) 

La victime doit intenter son action dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle elle a eu, ou aurait dû avoir, connaissance du dommage, du défaut et de l’ identité du producteur. Ces 3 éléments sont cumulatifs. Toutefois, la responsabilité du producteur est éteinte 10 ans après la mise en circulation du produit qui a causé le dommage, sauf si la victime a déjà engagé une action en justice (Art. 1245-15 du Code civil). 

Les causes d’exonération(Art. 1245-10 du Code civil) 

Le producteur est responsable de plein droit, à moins qu’il ne prouve : 

  • qu’il n’avait pas mis volontairement le produit en circulation (cas de vols, de recels, d’absence de livraison), que le produit n’était pas destiné à la vente

 

  • que le défaut est né postérieurement à la mise en circulation. Contrairement à la garantie des vices cachés où le vendeur doit prouver qu’il n’avait pas connaissance du défaut ou qu’il est postérieur à la vente, ce cas d’exonération renverse la charge de la preuve et la fait peser sur le demandeur. La victime devra prouver l’antériorité du défaut par rapport à la livraison pour imputer le dommage au producteur. On peut supposer que pour certains produits, le défaut de sécurité ne soit pas identifiable au moment de sa mise en circulation

 

  • que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut (cas d’exonération nommé : RISQUE DE DÉVELOPPEMENT). Par exemple, c’est le cas des transfusions sanguines à un moment où la science n’avait pas les moyens de détecter le VIH.

 

  • que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire (« le fait du prince »)

NB : Les deux dernières causes, le fait du prince et le risque de développement, sont écartées par le législateur dans l’article 1245-11. En effet, cet article impose au producteur une obligation de suivi du produit après sa mise sur le marché. Le producteur ne pourra pas se prévaloir des 4e et 5e causes exonératoires prévues à l’article 1245-10 lorsqu’en présence d’un défaut qui s’est révélé dans le délai de dix ans après la mise en circulation du produit, il n’a pas pris les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables. Ces dispositions peuvent prendre la forme d’une information au public, du rappel pour réviser le produit ou le retrait pur et simple du produit. C’est au producteur qu’il appartient de prouver qu’il a pris toutes les mesures propres à prévenir le dommage. 

  • que le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime. 

responsabilité produits défectueux

L’autonomie du régime de responsabilité du producteur par rapport au régime de droit commun

La règle du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle (régime de responsabilité de droit commun) 

La victime ne choisit pas la nature contractuelle ou délictuelle de l’action en responsabilité civile qu’elle invoque. 

Elle ne peut pas choisir de cumuler ces 2 responsabilités (règle du non-cumul posée par la jurisprudence). Dès qu’il y a inexécution fautive d’un contrat, le créancier doit engager une action en responsabilité contractuelle. 

Le dépassement de la distinction entre les responsabilités contractuelle et délictuelle 

L’article 1245 instaure un véritable régime autonome pour les responsabilités professionnelles en disposant que « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ». La source délictuelle ou contractuelle n’est donc pas recherchée. 

Au terme de l’article 1245-17 du Code civil, la victime d’un dommage peut se prévaloir de la responsabilité contractuelle ou délictuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité. Elle a le choix. Ainsi, elle peut actionner :

  • soit la loi du 19 mai 1998, issue de la directive communautaire du 25 juillet 1985 
  • soit la responsabilité civile contractuelle, ou en absence de contrat, la responsabilité civile délictuelle

Le cumul des régimes applicables permet une plus grande protection des victimes. Les régimes étant différents, il est d’ailleurs possible que, dans certains cas, les régimes déjà existants en droit commun puissent être plus avantageux des droits de la victime, notamment concernant :

  • les délais de prescription, plus longs pour les responsabilités civiles
  • l’impossibilité d’obtenir réparation des dommages causés au produit lui-même dans le nouveau régime.