L’évolution de la législation a encouragé et facilité les créations d’entreprises, celles-ci ont donc augmenté surtout sous la forme d’autoentrepreneur. Mais l’espérance de vie des entreprises peut être limitée dans le temps. Depuis la crise de 2009, nombreuses sont celles qui connaissent des difficultés.

Problématique : Pendant longtemps les entreprises en difficulté ont été assimilées aux entreprises en faillite et elles étaient rapidement mises au banc des accusés car leur dirigeant était nécessairement fautif. Aujourd’hui, chacun est conscient que les difficultés économiques de l’entreprise peuvent aussi résulter d’un contexte économique fluctuant ou de mauvais choix stratégiques. Mais, de cette époque ont persisté, d’une part, une très mauvaise représentation de l’entreprise en difficulté et, d’autre part, un déni de la part des chefs d’entreprise dont l’activité révèle des difficultés. 

Après avoir cherché à traiter les difficultés des entreprises, le législateur s’oriente depuis 1984 vers la prévention des difficultés des entreprises et depuis 2005 vers la sauvegarde des entreprises en difficulté. 

La prévention des difficultés pour une entreprise

La notion de difficultés pour une entreprise 

Selon l’article L. 611-2 du Code de commerce, une entreprise est en difficulté si elle « connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de son activité ». 

Le point de départ des difficultés de l’entreprise se situe en amont de la cessation des paiements. La cessation des paiements traduit le moment où l’entreprise est défaillante : l’actif disponible devient inférieur au passif exigible. (Article L631-l [..J tout débiteur dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements). Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. 

Les difficultés de l’entreprise sont un concept large et difficile à définir : il concerne des aspects économiques, financiers, sociaux et organisationnels de l’entreprise. 

Les objectifs de la prévention des difficultés 

Prévenir les difficultés de l’entreprise le plus tôt possible est dans l’intérêt général (relève de l’ordre public économique et social). 

Le législateur s’est fixé 3 objectifs : le redressement de l’entreprise, le maintien de l’emploi et le paiement des créanciers. 

En effet, l’entreprise est au cœur du tissu économique (producteur de richesses) et du tissu social (employeur, créateur d’emploi) et, à ce titre, ses difficultés dépassent l’entreprise seule et sont l’affaire de tous. Le droit commercial s’y intéresse de façon toute particulière. Prévenir les difficultés de son entreprise consiste pour le dirigeant à les anticiper dès lors que des indicateurs laissent à penser que l’entreprise se dirige vers des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La prévention permet d’éviter la réalisation des difficultés présagées. 

Sont ainsi prévus 2 dispositifs : 

  • C’est en 1984 que le législateur a institué les moyens de prévenir les difficultés des entreprises. 
  • A partir de 2005, l’objectif clairement annoncé est de sauvegarder l’entreprise. Ainsi, la loi de sauvegarde des entreprises est venue compléter le dispositif de prévention en instituant une procédure amiable ou judiciaire d’anticipation avant que l’entreprise ne soit en cessation des paiements. Ce dispositif permet de sauvegarder l’entreprise sans porter atteinte, de manière excessive, à ses partenaires ainsi qu’à leurs créanciers. 

La prévention des difficultés des entreprises

Les mécanismes de prévention des difficultés des entreprises:le rôle des instances de prévention

L’obligation de publier les comptes 

La transparence des résultats est un moyen d’éviter qu’une entreprise s’enfonce dans la dégradation de ses résultats jusqu’à un point de non-retour. C’est la raison pour laquelle les dirigeants des sociétés (et les entrepreneurs ayant choisi le statut d’EIRL) sont obligés de publier leurs comptes annuels : bilan, compte de résultat et annexe (article L 123-12 du Code de commerce), complétés par le rapport de gestion du dirigeant et celui du commissaire aux comptes. Cette publication se fait au greffe du tribunal de commerce. Il faut voir dans cette obligation une opportunité pour détecter les premières difficultés et attirer l’attention, tant de l’entrepreneur que de ses partenaires. 

Les procédures d’alerte du chef d’entreprise 

Quand le dirigeant n’est pas assez lucide pour déceler les problèmes, plusieurs personnes peuvent déclencher l’alerte pour attirer son attention sur des indicateurs révélateurs de premières difficultés afin d’obtenir des explications ou de mettre en œuvre les moyens de redresser la situation. 

Le législateur a institué des procédures d’alerte internes et externes à l’entreprise afin de prévenir les difficultés des entreprises suffisamment tôt pour éviter la mise en liquidation de l’entreprise. 

Les procédures d’alerte « internes » 

  • Le pouvoir économique du Comité d’Entreprise 

Le Code du travail accorde au comité d’entreprise un droit d’alerte. S’il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut de demander à l’employeur de lui fournir des explications et, si cela s’avère nécessaire, de rédiger un rapport sur la situation. Ce rapport est communiqué à l’employeur et au commissaire aux comptes. 

  • Le pouvoir des associés 

Dans le cas d’une société, le Code de commerce donne aux associés le droit de poser des questions écrites aux dirigeants sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’activité. 

  • Le rôle du commissaire aux comptes 

Lorsque l’entreprise a adopté un statut juridique qui rend obligatoire le recours à un commissaire aux comptes, celui-ci a un rôle prépondérant dans les procédures d’alerte internes du fait de sa triple compétence financière, comptable et juridique. 

S’il constate, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à « compromettre la continuité de l’exploitation » (Article L, 234-1 du code de commerce), il doit alerter les organes dirigeants. 

S’il constate que les décisions prises ne permettent pas d’améliorer la situation, il doit en informer le président du tribunal de commerce. 

Ce devoir d’alerte fait partie des missions légales du commissaire aux comptes, au point qu’il encourt une sanction (notamment pénale) s’il ne déclenche pas l’alerte au moment où elle s’ impose, c’est-à-dire en présence de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, 

Les procédures d’alerte « externes » : le rôle du Président du tribunal de commerce 

Les sociétés commerciales ont l’obligation de déposer leurs comptes annuels, au greffe du tribunal de commerce. Le Président du Tribunal de commerce qui a connaissance de difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation peut convoquer le dirigeant de l’entreprise à un entretien. L’article L. 611-2 du Code de commerce précise que cet entretien permettra d’envisager des mesures propres à redresser la situation. 

Il peut également enjoindre, sous astreinte, aux dirigeants de sociétés commerciales de déposer leurs comptes annuels au greffe. 

Parmi ces différentes procédures : une seule à un caractère obligatoire (celle du CAC), les autres ont un caractère facultatif. 

Il est important de comprendre pour l’entreprise et ses dirigeants que la prévention des difficultés de l’entreprise relève de l’ intérêt de tous : salariés, entreprise, créanciers, associés. En dédramatisant les difficultés des entreprises, les problèmes pourront être décelés plus tôt et donc traités plus vite, évitant ainsi les situations dramatiques. Mais force est de constater qu’aujourd’hui beaucoup d’entreprises préfèrent ne pas publier leurs comptes pour ne pas s’exposer à la concurrence, ce qui, dans de trop nombreux cas, conduit à un traitement trop tardif des difficultés des entreprises quand il y en a.