Dans un contexte de concurrence accrue, la relation de travail se définit de plus en plus par la négociation collective, qui vise à aboutir à des accords sur les conditions d’emploi et de travail des salariés. De plus en plus, la négociation collective par les partenaires sociaux a tendance à prendre le pas sur la règle générale : il s’agit là d’une évolution importante du droit français, porteuse de conséquences souvent favorables au salarié. 

La négociation collective

Une convention collective est un accord entre salariés et employeurs traitant des conditions d’emploi, de formation professionnelle, de travail et de garanties sociales. Ce sont les syndicats (représentatifs de salariés ou représentatifs d’employeurs) qui sont les acteurs de cette négociation. Cette négociation a été ouverte à d’autres représentants de salariés pour permettre aux petites structures d’y participer. 

La négociation collective permet de préciser les règles appliquées aux salariés, en leur conférant généralement des avantages par rapport à la loi (durée du travail, période d’essai, congés payés, indemnités de départ en retraite, etc.). Elle produit des effets entre les parties signataires mais aussi au niveau individuel, pour chaque contrat de travail qui s’y rapporte. 

Les acteurs de la négociation collective

Les partenaires sociaux salariés

La loi a reconnu certaines prérogatives aux syndicats les plus représentatifs : monopole de désignation de candidats au premier tour des élections des comités d’entreprise et des délégués du personnel, conclusion de conventions collectives, etc. En effet, il s’agit de ne pas mettre sur un même plan d’égalité le syndicat comptant quelques dizaines de membres et celui qui regroupe presque tous les salariés d’une même profession. Cela explique pourquoi les syndicats les plus puissants jouissent de prérogatives (= pouvoirs) particulières. 

La loi du 20 Août 2008 a profondément modifié les critères de représentativité des syndicats (avant, la loi reconnaissait cette représentativité à certains syndicats de plein droit : CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC, CFECGC). 

Depuis 2008, pour obtenir ces droits, il faut apporter la preuve de cette représentativité par différents critères cumulatifs: 

  • le respect des valeurs républicaines (garantir la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse et interdire toute discrimination, intégrisme, intolérance)
  • influence au niveau des actions menées par le syndicat et une certaine expérience : volonté de vérifier si le syndicat existe vraiment sur le terrain, s’il exerce une activité réelle et dynamique
  • des effectifs d’adhérents et des cotisations suffisants
  • l’indépendance vis-à-vis de l’employeur ; par ex, l’accord de subventions ou de faveurs patronales (locaux, facilités de déplacement) doit profiter à tous les syndicats sans discrimination; indépendance vis-à-vis de l’Etat ou de partis politiques
  • une ancienneté d’au moins 2 ans dans le champ professionnel et géographique de l’entreprise
  • une transparence financière (certification et publication des comptes )
  • une audience électorale d’au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles (CE, DP) au niveau de l’entreprise et au moins 8% des suffrages au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel. L’audience électorale est donc remesurée tous les 4 ans. 

L’acteur principal de la négociation est alors le délégué syndical (dans les entreprises de plus de 50 salariés) : ce pouvoir est accordé en principe UNIQUEMENT au délégué syndical s’il est désigné par un syndicat représentatif et s’il a obtenu en son nom au moins 10% des suffrages exprimés aux élections professionnelles. 

Remarque : pour les entreprises de moins de 50 salariés (pour ne pas exclure les petites structures), il existe des possibilités de négociation avec d’autres personnes que le DS (suivant les cas, le représentant de la section syndicale, un délégué du personnel, membre du CE, un salarié mandaté par le syndicat). 

Les partenaires sociaux employeurs

Les employeurs peuvent participer aux négociations isolément ou par l’intermédiaire de leurs groupements, tels le MEDEF (Mouvement des entreprises de France) ou la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises). 

Les organisations syndicales d’employeurs doivent elles aussi apporter la preuve de cette représentativité (notamment pour que l’accord conclu puisse être étendu). 6 critères devront être remplis : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de 2 ans, influence, et audience (les organisations patronales seront considérées comme représentatives si elles représentent au moins 8% de l’ensemble des entreprises adhérentes). Cette audience sera elle aussi mesurée tous les 4 ans. 

Les domaines de la négociation collective

Les obligations de négocier ont été introduites par la loi du 13 nov 1982 : elles obligent des rencontres périodiques entre employeurs et syndicats (sans pour autant obliger à la conclusion d’un accord) 

  • au niveau de la branche : Le Code du travail impose une négociation annuelle sur les salaires et modalités de recours aux contrats d’alternance et d’apprentissage, une négociation triennale (tous les 3 ans) sur la formation, l’égalité professionnelle, la gestion de l’emploi, des compétences, et le handicap, et une négociation quinquennale sur les classifications professionnelles. 
  • au niveau de l’entreprise : Avec la loi Rebsamen du 18 août 2015, dans un esprit de simplification, les obligations de négocier seront regroupées, à compter du 1er janvier 2016, en 3 blocs : Négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise; Négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail , Négociation tous les 3 ans dans les entreprises d’au moins 300 salariés sur la gestion des emplois et des parcours professionnels. 

La loi Travail crée une nouvelle catégorie d’accord d’entreprise : les accords de préservation ou de développement de l’emploi : en cas de développement de l’entreprise, ces accords permettent d’obtenir des concessions des salariés, moyennant la modification de leur contrat de travail (notamment en matière de rémunération et durée du travail). Les contrats de travail seront alors automatiquement modifiés. Le salarié peut refuser par écrit la modification de son contrat de travail résultant de l’application de cet accord. Dans ce cas, il sera soumis à la procédure de licenciement individuel pour motif économique avec la possibilité de bénéficier d’un « parcours d’accompagnement spécialisé ». Ce nouveau type d’accord est déconnecté des difficultés économiques de l’entreprise : la poursuite d’un objectif de croissance ou de développement de l’emploi suffit à justifier le recours à ce dispositif On parle d’accords « offensifs ». 

Les négociations peuvent aussi porter sur n’importe quel thème dès lors qu’il y en a besoin (notamment suite à un conflit collectif).

Remarque : Avec la loi Travail, à compter du 10 août 2016, désormais, possibilité de conclure un accord définissant la méthode de négociation et les conditions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties. Cet accord pourra adapter la périodicité des négociations obligatoires, en augmentant les délais jusqu’à 3 ans pour les négociations annuelles, 5 ans pour les négociations triennales, et 7 ans pour les négociations quinquennales. 

On distingue la convention collective et l’accord collectif. 

  • La convention collective traite de l’ensemble des relations de travail entre employeurs et salariés (conditions d’emploi, formation professionnelle, garanties sociales des salariés…). Elle complète les dispositions du Code du travail et les adapte aux situations particulières d’un secteur d’activité (bâtiment, automobile, métallurgie.. .). 
  • L’accord collectif, quant à lui, ne porte que sur certains thèmes particuliers choisis par les négociateurs (par exemple, un accord sur la réduction du temps de travail ou sur la formation professionnelle). 

Les différents niveaux de négociation collective 

Chaque convention ou accord indique clairement son champ d’application géographique (national, régional, départemental) et son domaine professionnel. Ces textes peuvent être conclus à trois niveaux au niveau interprofessionnel, au niveau de branche, ou au niveau de l’entreprise (il existe aussi une négociation au niveau du groupe ou de l’établissement). 

Quelle coordination des niveaux de négociation collective ? 

Principes antérieurs à la loi du 4 mai 2004 : principe de HIÉRARCHIE et principe de FAVEUR.

Ce sont des principes fondateurs en droit : les règles de droit de rang inférieur doivent respecter (cad, ne pas prévoir de dispositions contraires) les règles supérieures. Les dérogations inférieures sont rendues possibles si elles sont plus favorables au salarié).  

Principe énoncé par la loi du 4 mai 2004, renforcé par la loi du 20 août 2008 : possibles dérogations encadrées 

A titre d’exception, une convention de rang inférieur peut déroger à une convention de rang supérieur, sous conditions : 

  • Les partenaires sociaux ne peuvent déroger aux règles légales que dans les domaines et dans les limites fixées par la loi (les dérogations concernent majoritairement la durée et l’aménagement du temps de travail).
  • Le niveau inférieur ne peut déroger à la convention supérieure que si celle-ci l’y autorise sauf pour l’accord d’entreprise relatif à la durée du travail et les congés (qui pourra déroger à un accord de branche même si celle-ci ne l’y a pas autorisé). 
  • Pour les accords d’entreprise, certains domaines ne peuvent pas donner lieu à des dérogations (minimas salariaux, classifications professionnelles, garanties collectives, mutualisation des fonds de la formation professionnelle continue).

Les procédures d’adoption 

Depuis la loi El Khomri d’août 2016, pour être validé, un accord d’entreprise doit être signé par des organisations représentant plus de 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisation représentatives. A défaut d’atteindre ce seuil de 50%, et si les signataires représentent au moins 30% des suffrages, ces derniers peuvent demander dans un délai de un mois à l’employeur l’organisation d’un référendum auprès des salariés pour obtenir la validation de l’accord. C’est aux salariés que revient la décision de valider l’accord de l’entreprise. 

Cette loi est entrée en vigueur en août 2016 pour les accords sur l’emploi, au 1/01/2017 pour les accords relatifs au temps de travail, les repos et congés et au 1/09/2019 pour les autres.

Ainsi les autres pour l’instant pour être validé doivent avoir été signé par un ou plusieurs des syndicats représentatifs de élection professionnelle, et qui n’ont pas fait l’objet d’opposition de la part de syndicats ayant recueilli une majorité de suffrages.

l'adaptation de la relation de travail par le droit négocié

L’application du droit négocié

 Couverture conventionnelle automatique à tous les salariés

  • en France, dans le secteur privé autour de 5% des salariés sont syndiqués mais 90% sont couverts par une convention collective. Dans certains pays (EU ou encore pays du nord de l’Europe), c’est l’affiliation au syndicat signataire qui donne droit à l’application des normes conventionnelles.
  • l’activité professionnelle du salarié est indifférente, seule l’activité de l’entreprise compte. 
  • si la CC a le corps d’un contrat (négociation, engagements, signature), elle a surtout l’effet d’une loi : elle s’applique de façon générale et impersonnelle à tous les salariés compris dans son champ géographique et/ou professionnel.

Soumission personnelle de l’employeur 

Conformément à l’effet relatif des contrats (art 1165 CC), l’employeur n’est lié que s’il l’a voulu : 

  • Un chef d’entreprise non signataire ou n’adhérant pas un syndicat patronal signataire n’est en principe soumis à aucune convention collective.
  • s’il adhère à un syndicat de branche, les conventions signées par celui-ci s’appliquent à lui de plein droit (mandat).

Extension et élargissement des conventions collectives 

Un texte élaboré par les partenaires sociaux peut prendre force de loi. En effet, le ministre du Travail peut décider d’appliquer des conventions à des entreprises non signataires et qui en deviennent ainsi bénéficiaires. Cette possibilité correspond à deux procédures distinctes : l’extension et l’élargissement. 

 L’extension 

La procédure d’extension rend la convention ou l’accord obligatoirement applicable à l’ensemble des entreprises de la branche ou du secteur géographique, même si les entreprises n’adhèrent pas à une organisation signataire. Ex : la convention collective de la chimie de la région Rhône-Alpes s’appliquera à toutes les entreprises de chimie de la région Rhône-Alpes, même celles qui n’auront pas signé initialement la convention. 

  • L’élargissement

La procédure d’élargissement rend la convention ou l’accord obligatoirement applicable à d’autres professions ou d’autres régions que celles qui étaient impliquées initialement. L’élargissement intervient après l’extension. Ex : la convention collective de chimie de la région Rhône-Alpes s’ appliquera à la région PACA.