Nous avons vu que la démarche stratégique commence par une phase de diagnostic qui revêt une double dimension interne et externe. A ce propos nous avons présenté un outil d’analyse diagnostique : la matrice SWOT. Le diagnostic est l’étape préalable à toute décision, le diagnostic de l’entreprise ou de ses domaines d’activité stratégique (DAS) conditionne les différents choix stratégiques. 

Dans ce chapitre, nous allons nous concentrer sur le seul diagnostic externe. Nous utiliserons de nouveaux outils (dont les plus importants sont les 2 premiers) pour analyser l’environnement, évaluer les menaces et les opportunités que rencontre l’entreprise et mettre en évidence les facteurs clés de succès (FCS) qu’elle doit maîtriser. 

  • L’analyse de l’environnement global par la méthode PESTEL. Elle permet de repérer les menaces et les opportunités de cet environnement macro-économique dans différents domaines : politique, économique, sociologique, technologique, écologique et légal. 
  • L’analyse de l’environnement concurrentiel grâce au diagnostic des forces concurrentielles de PORTER. Il permet d’apprécier l’intensité de la concurrence et de voir en quoi elle menace la position concurrentielle de l’entreprise. 
  • Les cartes stratégiques permettront d’identifier le groupe stratégique auquel l’entreprise appartient. On doit cette analyse à PORTER. 
  • Les outils d’analyse et de connaissance du marché (études de marché, du comportement des consommateurs) éclairent et fondent les choix stratégiques. 
  1. L’ANALYSE DE L’ENVIRONNEMENT GLOBAL DE L’ENTREPRISE PAR LA METHODE PESTEL.

L’analyse de l’environnement global de l’entreprise par la méthode PESTEL

Présentation de la méthode PESTEL

Il s’agit d’étudier l’environnement global de l’entreprise, autrement appelé « macro-environnement ». Il est composé de tous les éléments généraux qui agissent sur l’entreprise mais sur lesquels celle-ci n’a pas ou peu d’influence dans les domaines suivants : 

  • Politique (attention ! au sens de politique de l’Etat) = conduite par les gouvernements, la commission européenne (ex. stabilité politique, accords commerciaux de Libre échange, etc.). Attention : il ne s’agit en aucun cas de la politique menée par les entreprises. 
  • Economique (évolution de la croissance économique, évolution du pouvoir d’achat, évolution des prix, politique budgétaire, politique monétaire, politique industrielle, etc.). 
  • Socioculturel (valeurs partagées, croyances, niveau d’éducation, démographie, etc.). On peut aussi dire Social ou Sociétal.
  • Technologique (évolution des connaissances, innovation produit, innovation procédé, diffusion internationale de l’innovation).
  • Légal(réglementation, interdictions, conditions de garantie de vente, etc.). 
  • Écologique (protection de l’environnement, consommation d’énergie, etc.).

–> On identifie les éléments de l’environnement global qui sont susceptibles d’affecter de façon durable l’activité de l’entreprise –> Diagnostic global. On repère celles qui constituent des opportunité. Puis on les distingue de celles qui représentent des menace affectant les choix stratégiques. (Il ne suffit donc pas de faire une simple liste !) 

–> Une entreprise n’est pas forcément concernée par toutes. 

–> A la fin de l’analyse, on donne une appréciation synthétique de l’environnement global (plutôt porteur d’opportunités, plutôt menaçant). 

La surveillance de l’environnement global impose de faire une veille 

Pour surveiller les évolutions de son environnement global et anticiper ses changements, l’entreprise effectue une veille (ex. : veille technologique, juridique, économique). 

Pour être efficace et permettre à l’entreprise de détenir un avantage concurrentiel, cette veille implique la mise en place d’un dispositif organisé dans l’entreprise. Ce dispositif nécessite d’abord que les besoins en information de l’entreprise soient bien définis puis que les salariés concernés par la veille soient identifiés (et leur rôle défini) ainsi que les sources d’informations utiles. Ce n’est qu’ensuite que la collecte des informations peut commencer. Ces informations sont enfin traitées par l’entreprise et communiquées aux intéressés afin que les décisions adaptées soient prises. 

L’analyse de l’environnement concurrentiel grâce au diagnostique des forces concurrentielles de Porter

Ici, il convient de faire le diagnostic de l’environnement proche (ou micro-environnement). 

PORTER a créé un outil permettant de voir si l’environnement proche de l’entreprise est menaçant ou pas. Plus la concurrence est intense. plus l’environnement sera qualifié de menaçant. Le diagnostic stratégique doit permettre de cerner la position de l’entreprise par rapport à ces forces, à cette pression concurrentielle. Si l’entreprise arrive, grâce à la différenciation de ses produits ou à son avantage coût, à maîtriser ces forces plus efficacement que ses concurrents, son avantage concurrentiel est garanti. 

Pour apprécier l’intensité concurrentielle, PORTER procède à l’analyse de 5 forces concurrentielles en présence. Il ne se limite pas à étudier la concurrence actuelle, il élargit à 4 autres forces.

Les forces qui agissent sur la position concurrentielle sont : 

  • l’intensité de la concurrence actuelle 
  • la menace des nouveaux entrants 
  • l’existence de substituts (ou produits de substitution) 
  • le pouvoir de négociation des clients de l’entreprise 
  • le pouvoir de négociation des fournisseurs de l’entreprise. 

Si une entreprise a plusieurs DAS, elle doit réaliser une analyse des forces concurrentielles pour chaque DAS.

 Méthode : La question à se poser est la suivante : chacune de ces forces concurrentielles constituent-elles une menace ou pas ? 

L’intensité de la concurrence actuelle : la rivalité entre les entreprises existantes 

Une entreprise est rarement seule sur un marché. Avant de définir sa stratégie, il est donc indispensable qu’elle analyse les éléments qui intensifient la concurrence sur son marché et qui peuvent être : 

  •  Le degré de concentration du marché : plus les concurrents sont de grande taille et peu nombreux, plus la concurrence sera menaçante.
  • Les possibilités de croissance du marché : si le marché est très dynamique, il laisse plus place aux différents concurrents qu’un marché en stagnation sur lequel seule une bataille pour conquérir la part de marché des concurrents permet de croître. 
  • La différenciation des produit : plus les produits de l’entreprise sont différents des autres et difficiles à imiter, moins l’entreprise craindra la concurrence. 

 La menace des entrants potentiels

Les nouveaux entrants sur le marché sont des concurrents supplémentaires auxquels l’entreprise doit faire face. 

La menace des entrants est d’autant plus faible que l’entreprise a su se protéger par des barrières à l’entrée efficaces. Les barrières à l’entrée sont constituées de l’ensemble des obstacles que rencontrent les entrants et qui les empêchent de pénétrer le marché ou qui en rend l’accès très difficile. On peut citer par exemple :

  • Les barrières à l’entrée juridiques : existence d’un brevet / d’une marque 
  • Les barrières à l’entrée  : lorsque le marché nécessite de réaliser des investissements très importants pour être compétitif et espérer contrer les leaders (secteur aéronautique, secteur automobile…). Le marché nécessite de réaliser un gros volume de production pour bénéficier d’économies d’échelle et ainsi être rentable. 

Exemple : dans le secteur des sciences de la vie, il faut compter entre 500 et 800 Mds $ pour inventer une nouvelle molécule ! Seuls les géants peuvent rester sur ce secteur. C’est une barrière qui empêche les concurrents d’entrer sur le marché. 

  • Les barrières à l’entrée liées aux effets d’expérience : plus on est ancien dans le métier, plus on accumule d’expérience, de savoir-faire.  

La menace des produits de substitution 

Les substituts ou produits de substitution, sont des produits très différents de ceux de l’entreprise, de technologies différentes, et qui vont ainsi constituer une menace, faisant naître une concurrence indirecte. 

 Par exemple, de nouvelles technologies vont permettre d’agir directement sur la cornée de l’Œil pour corriger nos défauts de vision. rendant obsolète le port de lunettes de vue. Ceci constitue une menace pour les fabricants de lunettes et les opticiens. 

On peut également penser aux e-cigarettes qui se substituent aux cigarettes de tabac et menacent des bureaux de tabac. Ou qui concurrencent les fabricants de patchs. 

La force de négociation des fournisseurs

Plus les fournisseurs seront influents et concentrés, plus ils pourront imposer leur volonté à l’entreprise. Le cas extrême est celui des fournisseurs qui ont une exclusivité, un monopole d’approvisionnement, de fabrication ou de distribution et qui peuvent imposer leurs conditions sur le marché. Par exemple, une entreprise franchisée sera très dépendante de son franchiseur. 

La force de négociation des clients

Les clients sont ceux qui vous achètent le produit. Ce sont souvent des distributeurs ou des grossistes ; parfois ce sont les consommateurs. 

Comme pour les fournisseurs, la puissance de négociation des clients dépend principalement de leur niveau de concentration. Plus ils seront puissants, plus les quantités achetées seront importantes et plus ils seront influents, ce qui va leur permettre d’obtenir des prix bas, d’excellentes conditions commerciales et de meilleurs délais de règlement. C’est le cas des entreprises de la grande distribution qui ont constitué de puissantes centrales d’ achat et qui réussissent à imposer à leurs fournisseurs des prix et des conditions de règlement qui leurs sont favorables.  

Par exemple, un hypermarché ne réalise que 3 à 870 de son CA avec la firme Danone, alors que Danone réalise l’essentiel de son CA avec les 4 ou 5 centrales d’achat approvisionnant les grandes surfaces! Danone, malgré sa taille et sa notoriété, est donc sous la contrainte forte de la grande distribution. 

La marge de négociation des clients va aussi être conditionnée par l’image de marque des produits achetés, leur rapport qualité/prix et l’existence ou non de produits de substitution. 

analayse de l'environnement global méthode PESTEL de PORTER

L’identification des groupes stratégiques auxquels appartient l’entreprise permet de définir son positionnement concurrentiel

Un groupe stratégique regroupe les entreprises qui se considèrent comme concurrentes et qui mènent des stratégies similaires avec des ressources similaires. Elles ont le même profil, s’appuient sur des FCS comparables. 

Il s’agit donc pour l’entreprise : 

  •  de rechercher qui sont ses concurrents directs, c’est-à-dire ceux qui appartiennent au même groupe stratégique qu’elle et avec lesquels la concurrence intragroupe est donc intense.
  •  d’identifier, au sein de chacun de ses domaines d’activité stratégiques, les facteurs clés de succès ainsi que les compétences distinctives qui permettront d’avoir un avantage concurrentiel sur la concurrence directe et indirecte.

 Intérêt de cette analyse : 

Ainsi une entreprise pourra se demander s’il est pertinent de rester dans le même groupe stratégique en renforçant sa position, ou s’il est préférable d’évoluer vers un autre groupe stratégique qui lui serait plus favorable, voire enfin créer un nouveau groupe stratégique. 

L’analyse du marché

Nous quittons les problématiques purement stratégiques pour nous tourner vers des problématiques plus opérationnelles, plus commerciales. 

Le marché est l’ensemble des produits (biens et/ou services) avec lesquels l’entreprise est en concurrence et contre lesquels elle peut espérer, par son action commerciale propre, lutter avec une certaine efficacité. 

La taille du marché s’apprécie par : 

  • Le nombre de consommateurs et d’utilisateurs
  • Le volume physique des ventes (quantités vendues) 
  • La valeur monétaire des ventes (le CA) 

On peut segmenter son marché : 

  • par zone géographique (ex. le nombre de véhicules vendus par département) 
  • par saison (il y a plus de glaces vendues en août qu’en janvier) 
  • on peut distinguer les achats de 1er équipement et les achats de remplacement (marché de renouvellement) 

Il est intéressant de mesurer le potentiel de croissance de son marché (évolution des indicateurs en %). Ainsi, un marché sera porteur ou au contraire saturé (lorsque le marché de la profession est égal au marché théorique). Il sera dit « marché de renouvellement » lorsque les clients seront déjà tous équipés produit et qu’il faudra attendre qu’il soit usé pour le remplacer (ex. le marché de l’automobile). 

Etudier le marché c’est en étudier les acteurs  

Il y a bien entendu les concurrents, directs ou potentiels (les entrants) qui proposent une offre concurrentielle à étudier, mais aussi les fournisseurs et les distributeurs dont les comportements peuvent jouer sur les conditions d’offre faites à sa clientèle. Ils constituent l’environnement industriel de l’entreprise. 

Il y a surtout les clients. A leur propos, il faudra distinguer les prescripteurs, les acheteurs ou décideurs, ou les utilisateurs.

Etudier le marché, c’est en étudier la demande

Evaluer la demande potentielle

Avant d’entamer toute démarche commerciale, il est indispensable de cerner l’importance du marché potentiel vers lequel l’entreprise oriente son action. Il est nécessaire de s’intéresser à l’ importance respective des différentes catégories de clients qui coexistent sur le marché.  La demande potentielle de l’entreprise comprend les consommateurs actuels (clients effectifs) et les non consommateurs relatifs. 

Exemple : dans le cas de l’opticien, la clientèle potentielle est composée des porteurs actuels de lunettes ainsi que de ceux qui sont susceptibles d’en porter dans l’avenir. 

  • Les clients actuels ou effectifs sont ceux qui consomment le produit à l’heure actuelle. Ce sont les clients de l’entreprise, mais aussi ceux des entreprises concurrentes.

Exemple : pour un opticien spécialisé dans les lunettes de vue, ce sont tous les porteurs de lunettes de vue.

  • Les non-consommateurs relatifs (NCR) sont les personnes qui ne consomment pas actuellement le produit, mais qui sont susceptibles de devenir un jour des consommateurs effectifs. 

Exemple : dans le cas de l’opticien, ce sont tous ceux qui ne portent pas actuellement de lunettes de vue mais qui, du fait du vieillissement ou de problèmes de vision, devront porter des verres correcteurs dans le futur. 

Les non-consommateurs absolus (NCA) représentent les individus qui, pour des raisons physiques, matérielles ou psychologiques, sont dans la totale impossibilité de consommer le produit. 

Exemple : pour l’opticien, ce sont notamment les non-voyants. 

Cerner le comportement des consommateurs 

Il faut étudier : 

  • Ce que les gens font = comportements objectifs : habitudes d’achat, de consommation, d’information… 
  • Ce que les gens pensent = comportements subjectifs :  : attitudes, motivations. 

Analyser le marché c’est en analyser l’offre  

L’étude de l’offre permet de connaître les entreprises concurrentes et les produits présents sur le marché. 

Elle doit aboutir à déterminer la place de l’entreprise par rapport aux concurrents aux niveaux de sa part de marché, de son positionnement, de sa notoriété, de la qualité de ses produits, etc. 

L’analyse de l’offre doit être complétée par une analyse des relations avec les distributeurs qui seront chargés de commercialiser l’offre du producteur. La gestion du réseau de distribution est un élément essentiel de la mercatique stratégique et opérationnelle. Il recouvre des domaines très vastes comme : 

  •  la veille commerciale, afin de suivre et d’analyser l’évolution de la distribution présente sur le marché pour pouvoir s’y adapter
  •  le choix des canaux de distribution
  • les décisions concernant l’ajout ou la suppression de distributeurs, en fonction des objectifs de l’entreprise (couverture du marché, délais de livraison, prestations au client, etc.). 

L’importance de l’étude de marché 

L’information issue de l’étude de marché est la base de la création de l’entreprise et permet de définir une stratégie adaptée. Elle est indispensable à sa pérennité. En effet, dans un second temps, elle permet à l’entreprise de s’adapter à un environnement de plus en plus instable en prenant conscience des tendances nouvelles de façon à y réagir au plus vite. 

Cette information est d’autant plus précieuse si l’entreprise s’apprête à lancer sur le marché une innovation. L’étude de marché devient alors un facteur de succès incontournable pour la réussite du projet. Il en est de même lorsque l’entreprise envisage de se lancer sur un nouveau marché, tout particulièrement lorsque ce dernier se situe à l’étranger. 

 

Résumé

L’analyse de l’environnement global et des forces concurrentielles permet de dégager les menaces et les opportunités. Elle est complétée par une analyse du marché (études de marché, du comportement du consommateur) qui éclaire les choix stratégiques. Les stratégies seront ensuite définies en tenant compte de l’analyse des ressources et des compétences (cf. diagnostic stratégique interne). 

Les outils utilisés sont différents suivant le niveau auquel le diagnostic est mené : 

  • diagnostic de domaine (« business ») : utilisation des outils développés par M. PORTER (forces de l’intensité concurrentielle, groupes stratégiques) pour faire ressortir les FCS et les sources de l’avantage concurrentiel.
  • diagnostic global (« corporate ») : la méthode d’analyse PESTEL met en évidence les influences politiques, économiques, sociologiques. technologiques, écologiques et légales. 

Ces 2 niveaux sont confondus dans une PME ou dans une entreprise mono-activité.